Ladykillers
The Ladykillers
États-Unis, 2004
De Ethan Coen, Joel Schumacher
Scénario : Ethan Coen, Joel Coen, William Rose
Avec : Diane Delano, Irma P. Hall, Tom Hanks, Ryan Hurst, Tzi Ma, John McConnell, Stephen Root, George Wallace, Marlon Wayans, Jason Weaver
Durée : 1h44
Sortie : 09/06/2004
Escroc minable et éminent lettré excentrique, le professeur G.H. Dorr se prend pour un génie du crime. Il recrute une bande de bras cassés pour monter un coup ambitieux. Le modus operandi comprend le squat de la cave d’une vieille veuve pieuse.
LE CRIME NE PAIE PAS
Avec Ladykillers, les frères Coen se paient un best of de leurs œuvres les plus dérangées. Croisement mystérieux entre Miller’s Crossing et Arizona Junior mâtiné de O’Brother – pour l’ambiance gospel – et de la photo délavée d’un Barton Fink, Ladykillers marque le retour en farce des deux frères. Après un Intolérable Cruauté en demi teinte, les Coen regagnent rythme et verve pour un film diablement enlevé. Remake d’une œuvre anglaise et éponyme avec Alec Guiness et Peter Sellers, il conserve le charme et l’absurdité british de l’humour original. Armés d’un scénario simple mais malin, prévisible sans ennuyer, ludique et cruel, les auteurs de Fargo brodent une trame sans façon sur un piteux braquage. Le genre d’histoire typique des frères Coen où l’intrigue importe moins que la complexité des personnages, le plus souvent en marge d’une société qui semble produire sans fin des êtres étranges. Ici le professeur Dorr, incarné par un Tom Hanks radical, se définit comme un îlot d’intelligence mis au service de ses ambitions criminelles. Cerné par la bêtise de ses acolytes, il n’échappe pourtant pas à la douce cruauté des Coen. Son air supérieur de petit pédagogue à l’humour navrant se piquant de références innombrables et d’une culture abyssale, le rend presque aussi complexe et pathétique que le Dude de Big Lebowski. Entre plans débiles et tensions stupides, l’ensemble du casting se relie pour raviver la flamme du nonsense.
DROLE DE DRAME
L’autre réussite réside dans l’instauration d’une ambiance particulière, emprunté d’éléments fantastiques – l’annonce funeste de Tom Hanks, ce pont embrumé aux gargouilles sinistres servant de lieu de passage d’un monde à l’autre, à l’instar de la forêt de Miller’s Crossing. Contrées irréelles, souterrains, tunnels opposés aux églises remplies de chants religieux, les frères Coen développent sous la légèreté dominante des thématiques plus complexes. Le Ciel et les Enfers, la barque de Charon, le remords, la rédemption, naviguent dans les eaux sombres d’un film plus moite et moins aérien qu’il pourrait paraître. Ladykillers devient le spectacle d’une déchéance puissante, une tragi-comédie romantique et macabre à la Edgar Allan Poe, que le film cite sans cesse. Il en va de même pour la mise en scène – en sus des quelques amusants effets "jeunes" insérés ça et là – s’avère en phase avec la noirceur de son sujet. Photo passée, ombres et lumière. Malgré tout, le film reste une comédie grinçante, drôle, vive et méchante. Emmené par un Tom Hanks impérial et une Irma P. Hall – prix du jury à Cannes 2004 – attachante, le film est déjà hilarant sans chercher à creuser sa surface. Boudé par un public américain dérouté, il trouvera dans l’hexagone, sans aucun problème, le succès qu’il mérite.
En savoir plus
Le film est un remake d'un long métrage sorti en 1955, réalisé par Alexander Mackendrick. Dans la distribution figuraient deux grands noms de cinéma, Alec Guinness et Peter Sellers. Hasard de la compétition, The Life and Death of Peter Sellers, autre film présenté à Cannes, incluait un bref plan du film original.
Le personnage interprété par Irma P. Hall n’a de cesse de clamer faire des donations à la Bob Jones University. Cette institution est tristement célèbre pour avoir pratiqué une ségrégation raciale jusque dans les années 70, excluant les étudiants Noirs de leurs amphithéâtres. Et ce n’est qu’en 2000 qu’ils autorisèrent les couples mixtes dans l’enceinte de leur campus.