Là-haut
Up
États-Unis, 2009
De Pete Docter, Bob Peterson
Scénario : Pete Docter, Bob Peterson
Durée : 1h44
Sortie : 29/07/2009
Quand Carl, un grincheux de 78 ans, décide de réaliser le rêve de sa vie en attachant des milliers de ballons à sa maison pour s'envoler vers l'Amérique du Sud, il ne s'attendait pas à embarquer avec lui Russell, un jeune explorateur de 9 ans, toujours très enthousiaste et assez envahissant... Ce duo totalement imprévisible et improbable va vivre une aventure délirante qui les plongera dans un voyage dépassant l'imagination.
DE GRANDS DESSEINS
Là-haut n'est pas l'aventure explosive, le grand huit effréné espérés par beaucoup. C'est un voyage indécis, presque immobile, livré au hasard et réduit à quelques contrées désertiques. Pas de dépaysement, guère plus d'exotisme. Passé un fabuleux prologue (aussi bouleversante que l'était la première partie de WALL-E), la maison de Carl Fredriksen se hisse très haut dans le ciel, puis l'intrigue patine, ronronne et se dégonfle tout doucement. Quand le film atteint sa vitesse de croisière, le plus beau morceau de bravoure a déjà eu lieu. Là-haut atteint des sommets dès les premières minutes, dès le récit de cette bulle rêveuse qu'a été la vie de Carl et d'Ellie. Les saisons et les époques sont effleurées, mais rien n'est escamoté: ni les premières larmes, ni les promesses laissées dans la marge, ni les regrets étouffés. Des jeux de l'enfance à la lune de miel, de la fleur de l'âge à la dernière veillée, ce ne sont pas les pyrotechnies qui émerveillent, c'est le portrait d'une vie fragile et ordinaire, dépeint avec l'élégance et la délicatesse propres à Pixar. Avant que ne commence le film, un autre plus modeste s'est achevé, l'aventure est révolue. L'émotion est à son comble, Pete Docter et Bob Peterson placent la barre si haute que l'on ne redescendra jamais vraiment.
VRAI FAUX DEPART
Tête dure, mâchoire carrée: comme son protagoniste, le film montre les dents et traîne des mocassins. Promis à des horizons vertigineux, Là-haut est continuellement freiné dans son élan. Lié corps et âme à sa maison, lesté de souvenirs trop encombrants, Carl hésite longuement avant de lâcher prise. Comme il hésite à venir en aide à Russell, à trahir une vie bien sage, à bousculer ses habitudes et ses principes de vieux bougon lessivé. Là-haut ne court pas après la performance; il repousse l’action ou lui donne un caractère dérisoire. Si bien qu'on ne s'abandonne jamais complètement à l'aventure. Les chutes du Paradis sont offertes, Carl n'a plus qu'à tracer une ligne droite. Les personnages secondaires (un oiseau mythologique, une meute de chiens drolatiques et stupides) sont aussi inconsistants que des mirages. La destination n'a pas d’importance. Le film prend le temps de la fuite, le temps de contrarier les attentes et de désamorcer des enjeux trop grands. Le voyage en Amérique du sud n'est que le prélude à une lente réflexion sur le sens de la vie, celle d’un retraité à deux pas du précipice. A travers Russell, son antithèse graphique (un personnage rond et avenant / un personnage sec et anguleux), Carl redécouvre l’attachement à l’autre.
ET TOUT RECOMMENCE
Pourtant, la magie opère, comme toujours, de manière assez insolente. On reconnaît la comptine, peut-être une certaine routine thématique (néanmoins irréprochable), on se délecte de l’aisance avec laquelle le studio nourrit indéfiniment ses histoires. Pete Docter s’en réfère au Monde perdu de Conan Doyle, aux classiques de Disney, se plaît à citer Nos Voisins les Yamada de Takahata comme modèle de limpidité. Avec ses héros improbables, son aventure à rebrousse-poil et son odyssée de poche, Là-haut se veut décalé, marginal, immensément petit. Même la 3D – une idée de John Lasseter venue sur le tard, pendant le tournage – est utilisée avec mesure et précaution. Sans surprise, l’objet le plus précieux de Carl appartient au passé (comme la collection de WALL-E, comme les jouets démodés de Toy Story). Ce n’est pas l’oiseau paradisiaque qui éblouit, c’est un vieil album de photos jaunies. Et si la forme reste exceptionnelle, Pixar garde le goût du papier buvard, des bouts de scotch qui collent aux doigts, des breloques du grenier, sans pour autant se noyer dans un discours passéiste. Le voyage de Carl débute véritablement quand il laisse s’envoler la maison, et se défait du poids des souvenirs.