L'Appel de la forêt

L'Appel de la forêt
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L'Appel de la forêt
The Call of the Wild
États-Unis, 2020
De Chris Sanders
Scénario : Michael Green d'après Jack London
Avec : Harrison Ford, Omar Sy
Photo : Janusz Kaminski
Musique : John Powell
Durée : 1h40
Sortie : 19/02/2020
Note FilmDeCulte : *-----
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La paisible vie domestique de Buck, un chien au grand cœur, bascule lorsqu’il est brusquement arraché à sa maison en Californie et se retrouve enrôlé comme chien de traîneau dans les étendues sauvages du Yukon canadien pendant la ruée vers l’or des années 1890. Buck va devoir s’adapter et lutter pour survivre, jusqu’à finalement trouver sa véritable place dans le monde en devenant son propre maître…

UN FIL A LA PATTE

Ils ont eu beau aboyer dans tous les sens, promouvoir le film sur tous les plateaux TV, rien n’y fait: L’appel de la forêt ne suscitait pas au sein de la rédaction une attente qui réchaufferait ne serait-ce qu’un glaçon dans un réfrigérateur. Pourtant, le film avait sur le papier de quoi (un peu) attirer: un casting plutôt réjouissant, de Omar Sy à Harrison Ford en passant par Dan Stevens; et surtout une prouesse technique de plus mise en avant, avec l’utilisation de canidés entièrement numériques. Une bonne nouvelle n’arrivant jamais seule, c’est Chris Sanders qui s’occupe de la réalisation du projet, loin de ses envolées fantaisistes qu’il mettait en scène avec son ancien acolyte Dean DeBlois chez DreamWorks.

Seulement voilà, difficile de retrouver pleinement la patte de Sanders dans ce projet labellisé 20th Century Studios, certainement détruit par sa production apparemment chaotique. Finalement bien loin des ambitions photoréalistes prônées par ses concurrents hollywoodiens, le réalisateur met en scène son protagoniste canin comme une figure à mi-chemin entre une physionomie réaliste et une articulation proche du côté cartoonesque de ses anciennes créations (Krokmou de Dragons en premier lieu). Créature qui, par elle-même, n’est qu’une caution aventureuse à la narration, mais qui n’a rien d’autre à proposer que sa bouille (il est vrai) mignonne de prime abord. Ce reproche n’a pas pour but ici de dessiner une binarité stricte entre différents procédés d’animation, un côté hybride peut toujours être possible; en revanche, la question de la vallée dérangeante n’est jamais vraiment loin, tant le long-métrage reste le cul entre deux chaises à propos de l’angle à adopter concernant son récit. Plutôt interroger les nouvelles formes d’animation en images de synthèse à travers la modélisation de simili-êtres de chair, façon Le Roi Lion de Jon Favreau ? Exacerber la dualité à travers une figure anachronique, à la manière du Voyage d’Arlo de Pixar ? Des questions qui resteront dans réponse, puisque le film n’arrive même pas à se les poser lui-même, comme s’il n’avait jamais eu conscience du formidable terrain fertile qu’il piétine lourdement.

Récit adapté du roman éponyme de Jack London dont il ne semble pas non plus faire honneur, le film charcute insensiblement de nombreux extraits du matériau original pour les faire lire en voix off à un personnage humain - en l’occurence Harrison Ford, ici doublé par un Richard Darbois en totale roue libre - complètement perdu au milieu de fonds verts à la colorimétrie très mal raccordée au reste du film. La question se pose alors: comment Janusz Kaminski a-t-il pu se retrouver au poste de chef opérateur avec un résultat aussi catastrophique ? Même la poétique fondamentale du livre, sur le retour à l’état sauvage et la mystique que peut procurer un nouvel enracinement à la terre, est bâclée formellement et narrativement par une succession d’apparition d’un loup numérique repoussant de laideur, ne servant que comme élément indiciel à un récit balisé, à la manière d’une très longue cinématique de jeu vidéo faussement ludique.

Autant, l’idée d’utiliser des images de synthèse pour matérialiser les chiens dans l’espoir de ne pas violenter des animaux est une chose louable; mais pourquoi avoir voulu (re)tourner quasiment tous les plans sur des incrustations numériques ? Difficile de croire en un quelconque appel de la nature dans un environnement tout aseptisé et artificiel, qui n’a même pas grand chose à dire sur son propre univers numérique. Tout parait créé de manière laborieuse, n’offrant jamais de moments de pause à un film qui gémit durant de très longues minutes. L’appel de la forêt passe alors d’un très long voyage mielleux et niais (« on distribue pas des lettres Buck, on distribue des vies, on distribue de l’amour ») dans sa première moitié à un sommet d’hilarité générale, lors de séquences d’aventure sans queue ni tête avec à bord un Harrison Ford qui surjoue les alcooliques amis des animaux, face à un Dan Stevens que l’on imaginait pas aussi appauvri par la direction d’acteurs. Des personnages inconséquents, une intrigue qui avance toute seule, un récit alourdi par une voix off tirée d’un matériau symbolique à peine compris: voici le prototype du film qui, à défaut de vouloir montrer ses griffes, manque de beaucoup trop de mordant.

par Tanguy Bosselli

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