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Grèce, 2012
De Babis Makridis
Scénario : Efthymis Filippou, Babis Makridis
Avec : Aris Servetalis
Photo : Thimios Bakatakis
Durée : 1h34
Note FilmDeCulte : *****-
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Un quadragénaire, séparé de sa femme et ses enfants, vit dans une voiture. Sa femme et ses enfants vivent dans une autre voiture. L'homme apporte régulièrement du miel à un narcoleptique, et retrouve souvent son ami, attaqué par un chasseur qui l'a pris pour un ours.

THE L WORD

Qu’est-ce qui qualifie un film culte ? Ou plutôt quels indices permettent de deviner quelles œuvres récentes accéderont à cette postérité ? Premier indice (en bas de votre écran) : certains long-métrages entrainent dans leur sillage immédiat non pas de paresseuses suite ou copies mais une vraie descendance, digne et inspirée. Dans ce cas de figure se trouve Canine. Après être passé des marches de Cannes au tapis rouge des Oscars il y a trois ans, attirant tous les regards vers un pays dont la filmographie semblait l’une des plus moribondes d’Europe, l’ovni grec a engendré des films satellites partageant son ton complètement inédit : Alps, Attenberg … et aujourd’hui L, petit dernier très doué de cette famille zinzin.

L’erreur serait de n’envisager L que comme un gentil chapitre supplémentaire, un paresseux bonus à un modèle original. Si L partage effectivement avec Canine un coscénariste (Efthymis Filippou), il possède indéniablement une identité et des qualités propres. Car concrètement, là où Attenberg d’Athina Rachel Tsangari copiait/collait paresseusement des éléments entiers du récit de son modèle dans une vaine stérilité (invention d’un nouveau langage, danses animales et clash des générations), le film de Babis Makridis prend le chemin inverse, et respecte d’autant mieux l’esprit d’origine qu’il le fait avec ses propres mots. L’univers semble aux premiers abords le même : un improbable mélange de surréalisme poétique et de quotidien à la fausse trivialité inquiétante. L’un comme l’autre fonctionnent comme des paraboles angoissantes et hilarantes, où chaque oxymore (la violence y est joyeuse, ou vice versa) est un enrichissement plutôt qu’une contradiction, mais Makridis va plus loin. Plus loin dans l’absurde et surtout plus loin dans l’étrange froideur (qui paradoxalement n’empêche jamais l’humour ou l’émotion). Grâce à un récit plus brutal, plus concis, moins gentil, L trouve un ton propre où la bizarrerie se fait encore plus clairement le reflet d’une angoisse.

C’est précisément ce qui lui permet d’éviter un double écueil : celui du n’importe-quoi-sans-limites, et celui de la trop stérile froideur. L possède en effet un vrai personnage, émouvant et tangible malgré ses allures fantomatiques et le débit robotique de ses dialogues. De même, sa voiture ne semble qu’un banal élément de décor parmi d’autres, mais au détour d’une étrange scène d’anniversaire se fait foyer familial ; tel autre personnage-ami n’est peut-être finalement pas réel ; conserver son boulot et la garde de ses enfants ne tient parfois qu’à un pot de miel… Derrière les apparences arbitraires de l’absurde, le film se révèle rapidement plus émouvant, riche et sérieux qu’à première vue. Ni poseur, ni poudre aux yeux, L est à l’image de son héros anonyme : finalement bien plus humain qu’il n’y parait.

par Gregory Coutaut

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