Koktebel
Russie, Fédération de, 2003
De Boris Khlebnikov
Scénario : Boris Khlebnikov
Avec : Aleksandr Iline, Vladimir Koutcherenko, Aggripina Steklova, Evgueni Syty, Igor Tchernevitch
Durée : 1h45
Sortie : 09/11/2005
Un garçon de 11 ans et son père quittent Moscou où ils n'ont plus rien, ni argent ni appartement. Ils décident d'aller à Koktebel, petite station balnéaire de Crimée, sur le bord de la Mer Noire, en Ukraine. Ils voyagent tantôt dans un train de marchandises, tantôt dans un camion, vont de village en village, de forêt en forêt. A Moscou, le père, ancien ingénieur s'était mis à boire après la mort de sa femme, et avait tout perdu y compris la confiance de son fils. Tous les deux sont à la recherche d'une autre vie, et d'une nouvelle compréhension réciproque.
ROADS TO KOKTEBEL
Tout le monde connaît l’adage: il faut se méfier du world cinema de festival. A son aune, couvert de prix des pieds jusqu’à la tête (Prix spécial du jury au Festival International de Moscou 2003, Prix de la Critique internationale à Cannes 2003, Prix Philip Morris au festival de Karlovy-Vary 2003, Grand prix du festival d'Aubervilliers 2004…), Koktebel fait figure de repoussoir de choix. Pourtant, le premier film de Boris Khlebnikov et Alexeï Popogrebski commence plutôt bien. Un père et son fils arpentent les routes de Russie, lourds sacs jetés sur les épaules, vers un ailleurs (fantasmé?) nommé Koktebel. Le petit, bien sûr, veut savoir si c’est encore loin, s’ils vont marcher longtemps comme ça. Le grand, bien sûr, se moque: on aurait dû prendre un taxi, ou l’avion, ou le train. Au plan suivant, le paysage défile dans des grincements métalliques et le wagon de marchandises, où ont pris place nos clandestins, cahote doucement. Jusqu’à une courte halte. Le paternel en profite pour courir dans les champs parsemés de croûtes neigeuses, y secouer un pommier, entasser les fruits dans son pull retroussé. C’est alors que le cadre s’ébroue, et avec lui le train, glissant doucement sur ses rails invisibles. L’homme se retourne, galope, lâche ses fruits, disparaît hors champ, sous les yeux du fils affolé. Au plan suivant, les deux sont à nouveau réunis, et nous tout à fait immergés dans cette simplicité elliptique, joliment aventureuse.
BONS CLICHÉS DE RUSSIE
Koktebel navigue ainsi, à vue, en road-movie modeste, de brèves rencontres en micro-événements, au petit bonheur la chance. Son problème tient dans la durée. Tenir l’équilibre sur l’hasardeuse balance de l’authentique, c’est une posture qui ne va qu’un temps. 1h45 dans ces conditions, à moins d’un miracle (tout à fait possible: Macadam à deux voies, Aaltra…), sont difficiles à tenir. Aussi est-ce au détour d’une embarrassante péripétie supplémentaire, lorsque le film n’y tient plus de demeurer dans l’anti-événementiel, que les choses se gâtent. Ici, à mi-chemin des terres de Crimée, banalement, le film tombe dans le panneau du pittoresque. Des tronches rougeaudes, des fusils éthyliques, des bons sentiments. La sauce, d’un coup, retombe, s’épaissit, coagule. Koktebel, déstabilisé, se sent obligé de jouer la carte du romantisme à deux kopecks, de faire rêver les têtes blondes ou grises, de calculer combien de temps une feuille vole au vent, avant de retomber, chiffonnée, dans l’herbe rase. Et les êtres de chair, qui nous inspiraient tendresse dans les premiers plans, n’apparaissent soudainement plus que comme figures archétypales, culs posés sur la jetée chromo du world cinema de festival.