Marais Film Festival: Kill Your Darlings

Marais Film Festival: Kill Your Darlings
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Kill Your Darlings
États-Unis, 2013
De John Krokidas
Avec : Dane DeHaan, Michael C. Hall, Jennifer Jason Leigh, Elizabeth Olsen, Daniel Radcliffe
Durée : 1h44
Note FilmDeCulte : *-----
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Pour Allen Ginsberg, l’université de Columbia est un lieu de culture, d’art, d’intellect et de liberté. Il va se lier d’amitié avec de jeunes écrivains William Burroughs et Jack Kerouac. Ensemble ils explorent de nouvelles idées littéraires, pour choquer et heurter la sensibilité de leur époque. À eux trois ils vont former la Beat Generation.

AUTODAFÉ

Les écrivains de la Beat Generation sont-ils les plus malchanceux du monde ? Ces dernières années, le cinéma américain a tenté de faire revivre sur grand écran leurs vies et œuvres à l’aide de castings prometteurs et de louables intentions littéraires, pour des résultats régulièrement décevants : Sur la route, Howl ou aujourd’hui ce Kill Your Darlings, un premier film particulièrement scolaire. C’est d’ailleurs le principal défaut en cause ici : l’illogisme qu’il y a à faire le portrait de personnalités anticonformistes à travers une forme on ne peut plus sage, lisse et convenue. Comment peut-on rendre hommage à un esprit de liberté et à la fougue qui permet de briser les règles, quand on ne fait soi-même qu’appliquer les formuler les plus fades du biopic littéraire et du théâtre filmé ? "Kill Your Darlings", c’est le conseil donné par l’un des personnages, autrement dit : oubliez vos modèles et vos conventions, n’essayez pas d’imiter vos références chéries et n’écoutez que vous... Difficile alors pour le film, qui passe son temps à ne prendre aucun risque, de dépasser le stade de l’incohérence.

Malheureusement, le film a un autre handicap en poche : un manque d’habileté et une gêne manifeste dès qu’il s’agit de parler d’homosexualité. Pas de bol pour un film sur Allen Ginsberg, ouvertement gay et activiste. Et là, la faute est partagée entre le jeune réalisateur et l’auteur de la pièce d’origine, entre la mise en scène et le texte. Pendant toute une partie du film, qui se concentre certes sur la jeunesse de Ginsberg et ses confrères, l’homosexualité et tout simplement absente. Les personnages hétéros ont droit à une vie de famille et une vie sexuelle tandis que Ginsberg n’a droit qu’à un chaste baiser au bout de 45 minutes (scène qui se révèle être en fait... un rêve !) et que le seul personnage gay assumé est un traitre doublé d’un harceleur, personnage pathétique et unanimement négatif. Kerouac multiplie les conquêtes, mais quand Ginsberg finit par passer à l’acte avec un mec, c’est forcément avec un sombre inconnu rencontré dans une ruelle. Mais surtout : cette scène de sexe est montée en parallèle avec... le meurtre brutal d’un homosexuel par une de ses « victimes ». Comme si transformer Ginsberg en homo honteux et placardisé n’était pas assez révisionniste, le film se révèle incapable de filmer sérieusement ou positivement l’homosexualité. Une maladresse récurrente à la limite de l’homophobie involontaire.

Ces deux défauts noient hélas les espoirs placés dans le film. Si Howl, l’autre biopic de Ginsberg avec James Franco dans le rôle-titre, avait au moins pour mérite de tenter des choses (en utilisant de l’animation ou la fiction dans la fiction, même si cela était rarement réussi), Kill Your Darlings retrouve ce qui rendait Sur la route de Salles aussi désolant. Derrière une forme cinématographique lisse et jolie, prête à regarder sans effort et sans doute plaisante pour certains dans sa simplicité d’accès (avec en plus un beau casting pour faire passer la pilule), le film ne fait que traduire la manière dont Hollywood, incapable de comprendre les expressions artistiques marginales, ne fait que les digérer, les modifier, les réécrire. La grande machine à tout aseptiser a réussi son coup : ceux qui avaient fait bouger la littérature américaine à leur niveau ne sont ici plus que des ados hipsters, un peu pénibles mais surtout sans personnalité ni aspérité (pauvre William Burroughs, réduit à une silhouette voutée). Le titre devient alors très ironique : en étouffant toute rébellion sous une couche de vernis, le film a bien assassiné ces icônes.

par Gregory Coutaut

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