Kié la petite peste
Jarinko Chie
Japon, 1981
De Isao Takahata
Scénario : Noboru Shiroyama, Isao Takahata
Avec : Norio Nishikawa
Durée : 1h45
Sortie : 09/02/2005
Film d'animation sorti au Japon en 1981, Kié la petite peste contient déjà le grand thème de prédilection d'Isao Takahata, l'autre génie du studio Ghibli. L'auteur de Mes Voisins les Yamada croque avec tendresse la vie quotidienne mais tumultueuse d'une petite fille au caractère bien trempé, une gosse d'Osaka, lointaine cousine de l'héroïne d'Omohide Poroporo (Souvenirs goutte à goutte) et demi-sœur des enfants du Tombeau des lucioles.
CRAYONS DE COULEUR
Réalisée en quatre mois et demi, cette adaptation d'un manga de 69 volumes de la fin des années 70 proposée par Yasuo Ôtsuka (l'un des fidèles collaborateurs du duo Takahata-Miyazaki) est l'acte fondateur d'une carrière d'auteur au sens noble du terme: l'exposition de préoccupations artistiques qu'Isao Takahata développera ultérieurement dans des projets aux dimensions financières plus importantes. Nul besoin de robots surpuissants ou d'intrigues policières, ce qui motive le cinéaste, ce sont les sentiments humains, les petits riens du quotidien qui finissent par affiner une personnalité naissante. L'art de Takahata s'épanouit dans la description de la vie familiale ou communautaire, la peinture d'états d'âme et de mouvements d'humeur. Il admire Ozu et cela se ressent à la vision de Kié la petite peste. On y retrouve ce même désir d'effacer la technique au profit des personnages, ce même souci d'authenticité des sentiments, à défaut de celui des situations. Les étiquettes sont susceptibles de s'envoler: le chef mafieux cache un amour sans borne pour son chat Antonio, le père de Kié, un bagarreur fainéant, éprouve une véritable affection pour sa progéniture. D'anecdotes hilarantes en combats de chats dignes des westerns de Sergio Leone, le récit progresse en zigzaguant, les différents enjeux dramatiques restant placés à l'arrière-plan.
JEUX D'ENFANT
Omniprésente, Kié, gamine de huit ans, est obligée d'assumer des responsabilités trop grandes pour elle. Sa mère a quitté le foyer. Son cher paternel est un joueur invétéré et menteur qui n'hésite pas à réclamer de l'argent à sa famille en prétextant la mort de sa fillette. A l'instar des héros du Tombeau des Lucioles, Kié doit prendre son destin en main ou plutôt essayer de recoller les différents morceaux de son existence pour retrouver sa place de petite dernière. Elle terrorise les mauvais payeurs de son restaurant mais se montre particulièrement intimidée en classe et, les larmes aux yeux, vole au secours de son chat quand celui-ci décide de prendre une correction de la descendance d'un ancien matou rival. Récit initiatique d'une innocence perdue, Kié la petite peste est le Nausicaä de la vallée du vent d'Isao Takahata, la première pierre d'une filmographie cohérente. Par la suite, on retrouvera cet amour pour les personnages en rupture avec le monde de l'enfance dans Omohide Poroporo, Le Tombeau des lucioles ou Mes Voisins les Yamada. Avec toujours autant d'humanité et ce talent si particulier de mêler rires et larmes, comédie et drame.