Ken Park
États-Unis, 2002
De Larry Clark, Ed Lachman
Avec : Mike Apaletegui, James Bullard, Stephen Jasso, Tiffany Limos, James Ramsone
Durée : 1h35
Sortie : 08/10/2003
A Visalia, petite ville de Californie proche de Los Angeles, un gamin met fin à ses jours sans donner d’explication: Ken Park. D’autres adolescents sont confrontés chaque jour à la difficulté de vivre.
NOS ANNEES SAUVAGES
A l’origine, Ken Park devait être le premier film du photographe culte Larry Clark. En 1988, le futur réalisateur de Bully et son associé le chef-opérateur Ed Lachman (Loin du paradis) souhaitent raconter sans tabou ni cliché la vie de la jeunesse américaine. En raison de scènes de sexe explicites entre adolescents, le projet a longtemps effrayé les producteurs potentiels. Quatorze longues années ont été nécessaires aux deux obstinés pour décrocher un budget suffisant. Grâce à l’inattendu apport financier de sociétés néerlandaises et françaises, le film peut enfin voir le jour… en théorie. Interdit dans de nombreux pays (aux moins de seize ans en France), confiné le plus souvent à une exposition dans les festivals, Ken Park a alimenté les fantasmes des cinéphiles. Dès lors, il est légitime de ressentir une petite déception à la vision d’un choc tant annoncé puis reporté. Moins abouti que Kids, écrit pourtant par le même Harmony Korine (Gummo), moins réussi formellement que Bully, Ken Park n’est assurément pas le meilleur film de Larry Clark. Trop brouillon, trop outrancier, trop manichéen dans sa description d’un monde adulte corrompu par la folie et une morale impossible à appliquer.
LE TEMPS DE L'INNOCENCE
On se demande même si l’auteur de Tulsa n’a pas délibérément livré une œuvre de débutant, libre et fiévreuse. Car oui, il est difficile d’oublier Ken Park et ses anges déchus: Tate, Peaches, Claude et les autres, enfants déjà confrontés à la violence familiale, physique ou psychologique. Chaque adolescent porte sa croix, se heurte à l’hostilité des parents et traîne son mal-être jusqu’au "skate park" où ils se réunissent pour oublier ce triste quotidien. Ils n’ont guère le choix, il leur faut grandir et vite. Shawn doit prendre pour maîtresse la mère de sa copine, Claude se muscler comme son père et Peaches devenir l’épouse de son propre géniteur amoureux d’un souvenir. La douleur est là, toujours présente. Et l’enfant qui ne peut assumer ses responsabilités n’a d’autre solution que le suicide ou le meurtre… Terrible constat contrebalancé in extremis par un final d’une douceur élégiaque pendant lequel les ados s’affranchissent enfin des règles pour vivre pleinement leur sexualité. Bien sûr, les images choqueront, sexes apparents à la clé, fellations diverses et masturbations masculines en plan fixe. Mais au-delà du scandale immérité que suscite Ken Park, reste le propos dur et sans concession d’un artiste essentiel de la scène américaine.