Kaidan

Kaidan
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Kaidan
Japon, 2006
De Hideo Nakata
Avec : Kumiko Aso, Hitomi Kuroki, Asaka Seto
Durée : 1h59
Sortie : 12/09/2007
Note FilmDeCulte : ****--

Shinkichi, jeune vendeur de tabac, tombe amoureux d'Oshiga, une femme d’âge mûr qui enseigne le chant. Leur relation fait scandale. Mais, rapidement, le charme de Shinkichi crée un certain émoi parmi les élèves d’Oshiga, semant ainsi le trouble dans le couple, jusqu’au drame impensable.

L’IMPURE PASSION D’UN SERPENT

Après un détour américain aussi raté que peu inspiré (The Ring 2, resucée totalement à côté de la plaque), Hideo Nakata remonte à la source des sources, d’abord au Japon, ensuite et surtout au film de fantôme dans sa forme la plus classique, ou presque. Dès le logo vintage de la Shochiku résonnent les chants lointains venus des marais hantés des séries B fantastiques estampillées 50’s. Un hommage classieux, plus fidèle que Ring, qui visait davantage à renouveler et détourner les figures du genre. Kaidan revient aux textes classiques d’un Akinari Ueda ou d’un Encho Sanyuutei (c’est lui, en l’occurrence, qui est adapté), avec comme modèle évident les films immortels de Nobuo Nakagawa, emblèmes des canons horrifiques d’époque. Avec ce que cela implique de décalage, le fantôme étant ici purement moral, incarnation de rancune ou de douleur dans un récit de péché et de rédemption, thématique rendue anachronique par le sous texte de la nouvelle vague façon Dark Water ou Kaïro, dont les problématiques sont avant tout sociales. Kaidan est une fable, un conte séculaire comme ceux du rituel oral des cent bougies où un orateur raconte à la lueur vacillante les bases classiques d'une malédiction ancestrale et ses conséquences surnaturelles, le même orateur qui ouvre ici le film. Le prologue est justement à tomber par terre de beauté, assumant pleinement ses artifices, sa scène théâtrale de kabuki et son décor magique.

CONTES DE PLUIE ET DE LUNE

Le chef opérateur Hunichiro Hayashi s'est ainsi offert une orgie formelle qui rompt visuellement avec l'habituel de Nakata, Chaos, Ring ou Dark Water, explorant soit le réalisme austère et sec, soit le crapoteux glauque. Ici les couleurs sont partout et flamboyantes, Nakata dispersant quelques fulgurances graphiques de toute beauté, armé d’une direction artistique exceptionnelle. Mais, assez rapidement, les coutures trop serrées craquent un peu. Kaidan touche parfois les limites de son exercice de style, car Nakata semble dans l’impossibilité de transcender son modèle d’un point de vue narratif. L’histoire, ultra classique et balisée, tombe amoureuse de son décor (et elle a raison), mais manque de passion et de dynamisme, là où ce conte qui n’invente rien aurait mérité un coup de plumeau ou de carburant. Comme chez Kobayashi, auteur du classique homonyme Kwaidan, Nakata joue sur l’étrangeté poétique d’entre deux mondes plus que sur l’aspect purement flippant, aidé par la belle partition de Kenji Kawai. Une approche qui accentue un peu plus l’aspect hors du temps du film, avec les qualités de ses défauts (et inversement), réservant néanmoins quelques très beaux moments. On pense par exemple à la première apparition fantomatique, calquée sur la fin des Contes de la lune vague après la pluie de Mizoguchi (séquence qui a déjà influencé l’épilogue de Dark Water). Ces instants où Nakata, admirateur d’Ophüls, retrouve sa fibre plus lyrique et tragique, celle qui prédit que la blanche neige des amours naissantes se changera bel et bien en inconsolable boue.

par Nicolas Bardot

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