Just Pretended to Hear
Kikoeteru, furi wo sita dake
Japon, 2012
De Kaori Imaizumi
Scénario : Kaori Imaizumi
Avec : Meru Goda, Hana Nonaka
Durée : 1h39
Sachi, 13 ans, vient de perdre sa mère. Alors que son père sombre dans la dépression, Sachi se demande si sa mère veille toujours sur elle. Les fantômes existent-ils, comme le prétendent ses camarades de classe ?
ESPRIT ES-TU LA ?
Remarqué à la dernière Berlinale où il a reçu une mention spéciale, Just Pretended to Hear fait partie de ces nouvelles œuvres du cinéma japonais contemporain qui sont produites et/ou bricolées hors du système. On a beaucoup parlé en festivals de Saudade (qui sort en France le 31 octobre), film réalisé par Katsuya Tomita dont le "vrai" métier est chauffeur routier. Cette année, à Rotterdam, était sélectionné The Sound of Light, fiction sur le quotidien de quelques paysans, s'inspirant directement de la vie de son réalisateur, Juichiro Yamasaki, lui-même fermier. Just Pretended to Hear est un premier long métrage signé par une jeune femme qui travaille comme infirmière, et qui a tourné ce film... durant son congé maternité. Curieux chemins dans une industrie du cinéma japonais qui aligne les succès locaux mais qui peine à exporter de grand talents, disons, de la génération post-Kore Eda/Kawase.
Kaori Imaizumi, réalisatrice de Just Pretended to Hear (lire notre entretien), signe en tout cas un premier film plutôt prometteur. Cette histoire de jeune fille confrontée à l'absence, livrée à elle-même, se heurte à une référence récente sur un sujet voisin: Une vie toute neuve de la Franco-Coréenne Ounie Lecomte. Si le film d'Imaizumi n'atteint pas la réussite singulière de Lecomte qui s'est hissée dès son premier essai à la hauteur des mélos de Lee Chang-Dong, il se distingue rapidement de toute une partie de la production japonaise aux ambitions télévisuelles. Just Pretended to Hear est beau, baigné d'une lumière douce et éclatante, et c'est une qualité qu'on ne retrouve pas forcément dans le tout-venant nippon. Just Pretended to Hear est sensible mais sans mièvrerie. Quasi absence de musique, bienveillance sur les personnages mais aussi une certaine dureté, Imaizumi parvient ainsi à créer un personnage complexe entre apathie, violence et chagrin.
Les fantômes existent-ils ? C'est la question que l'héroïne se pose. C'est aussi ce qu'elle espère, l'anneau de sa mère accroché au cou. Ses copines parlent du fantôme de la salle de musique, la nouvelle, mentalement retardée (personnage casse-gueule mais plutôt bien géré), craint le fantôme des toilettes. A minuit, un fantôme apparaît, dit-on, dans le reflet d'un miroir. Le vrai fantôme est pourtant là, devant nos yeux, lorsque Sachi observe le tablier de sa mère qui reste posé sur une chaise, lorsqu'elle imagine les sons de la cuisine lorsqu'elle était encore là. En classe, on parle du cerveau qui voit, écoute, ressent les choses, plutôt que le cœur. Just Pretended to Hear raconte avec justesse l'histoire d'une jeune fille au cœur blessé, sortie trop vite de l'enfance, et qui, peu à peu, redevient une enfant. Si le film est parfois plus maladroit (avec les scènes du père essentiellement), il réussit aussi quelques jolies choses, comme cette séquence muette vue par l'héroïne, où une fillette rejoint sa mère, Imaizumi filmant ses petites mains accrochées au rebord de la fenêtre.