Jupiter - Le destin de l'univers

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Jupiter : Le destin de l'Univers
Jupiter Ascending
États-Unis, 2015
De Lana Wachowski, Lilly Wachowski
Scénario : Lana Wachowski, Lilly Wachowski
Avec : Doona Bae, Vanessa Kirby, Mila Kunis, Channing Tatum
Photo : John Toll
Musique : Michael Giacchino
Durée : 2h05
Sortie : 04/02/2015
Note FilmDeCulte : ****--
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Née sous un ciel étoilé, Jupiter Jones est promise à un destin hors du commun. Devenue adulte, elle a la tête dans les étoiles, mais enchaîne les coups durs et n'a d'autre perspective que de gagner sa vie en nettoyant des toilettes. Ce n'est que lorsque Caine, ancien chasseur militaire génétiquement modifié, débarque sur Terre pour retrouver sa trace que Jupiter commence à entrevoir le destin qui l'attend depuis toujours : grâce à son empreinte génétique, elle doit bénéficier d'un héritage extraordinaire qui pourrait bien bouleverser l'équilibre du cosmos...

IL ÉTAIT UNE FOIS, DANS UNE GALAXIE LOINTAINE

Difficile de reprocher aux Wachowski de se reposer sur leurs lauriers. Si les cinéastes reviennent une fois de plus à leur genre de prédilection, ils le font avec un film à des kilomètres de la charte graphique de Matrix. Jupiter Ascending est un space opera formellement kitsch et impressionnant au service d'une intrigue générique au sein d'un univers casse-gueule. Une sorte de Matrix inversant les rôles (un combattant homme vient chercher "l'élue" femme) pour mieux refaire Blanche-Neige (et son chasseur donc). Mais le film ne se limite pas à un seul conte et en revisite plusieurs, ou plusieurs codes. Après le lapin blanc d'Alice que Neo devait suivre pour passer à travers le miroir, c'est toute une gamme de stéréotypes issus des contes de fées que l'héroïne éponyme doit traverser dans Jupiter Ascending. Les êtres qui peuplent ce conte ne sont plus simplement des animaux anthropomorphisés mais carrément des hybrides homme/animal, le mythe de la beauté éternelle nécessitant le sacrifice humain reste le moteur des antagonistes, et ceux-ci prennent la forme d'une royauté malfaisante. Une fratrie composée de deux frères et d'une soeur dont Jupiter devra visiter chacune des trois demeures comme Boucle d'Or teste les lits avant qu'un loup ne vienne en briser l'entrée à chaque fois comme s'il s'agissait de maisons de paille, de bois et de briques. Malheureusement, bien que ce parti-pris soit sans aucun doute assumé, le film hérite du simplisme de ses modèles, et ce n'est pas le seul souci d'un scénario parfois trop occupée à poser les bases d'un univers pour pleinement l'exploiter.

CONNE DE FÉE

Parfaitement conscients de leur démarche, les Wachowski se font un malin plaisir de jouer avec l'imagerie du conte, faisant défiler leur Cendrillon dans toutes ces robes de princesse de façon presque gratuite, clairement ostentatoire, créant une romance entre le Petit Chaperon Rouge et son loup, détournant la figure du Prince Charmant, etc. Une tendance à la subversion qui aurait mérité d'être plus profondément inscrite dans l'écriture du film. Il faut voir ce montage alterné entre la fille qui met sa belle robe d'un côté et les garçons qui enfilent une sorte d'armure/vaisseau de la mort de l'autre, pour saisir que les Wachowski semblent amorcer une étude des rôles alloués à chaque sexe. Toutefois, la caractérisation du personnage interprété par Mila Kunis est si résolument ingrate dans sa fonction continue de "demoiselle en détresse" qu'on a le sentiment d'une régression par rapport à Matrix (où la demoiselle en détresse était un homme et que celui-ci finissait par s'émanciper, là où Jupiter s'affirme moins dans l'action). Comme pour la structure quelque peu répétitive du film, cette "moralité de l'histoire" est due à la volonté de reproduire fidèlement les schémas du conte de fée au sein d'un univers de science-fiction et, à ce titre, si le film souffre de son classicisme, il n'en demeure pas moins ludique. Non content de revisiter les contes de fée, le film revisite également les clichés du film d'extra-terrestre, donnant sa version des "petits gris" et d'autres phénomènes lié à l'ufologie, comme il revisite l'Histoire, cherchant à concilier science et spiritualité dans un speech rapprochant l'évolution et la manipulation génétique.

L'UNIVERS EN EXPANSION

L'ampleur de Jupiter Ascending est vaste et son ambition indéniable. Comme de nombreux films s'adonnant aussi généreusement au world building, Jupiter Ascending est une merveille de direction artistique, avec ses vaisseaux désarticulés couleur or plutôt originaux ou ses gravity boots de sept lieues. Ce genre d'idées, le film en est truffé, dans les gadgets comme dans le bestiaire, mais le film n'est jamais meilleur que lorsqu'il laisse les images parler. Ce dernier opus des cinéastes n'échappe pas à leur penchant pour le didactisme et le récit semble passer la première moitié du film à enquiller les scènes d'exposition. Ils perdent du temps à expliquer des choses assez évidentes plutôt que d'explorer davantage certaines notions (les capacités animales de chaque hybride par exemple) ou certains arcs (l'histoire d'amour précipitée). L'ouvrage n'est jamais aussi vulgaire que pour bien des premiers épisodes aspirant à une franchise mais cet aspect "tutorial" est d'autant plus dommage que le film semble condamné au bide financier et donc à l'absence de suites.

Si le film n'est pas avare en action, seules deux séquences sortent du lot. Le premier (et agréablement long) set piece est une course-poursuite assez vertigineuse orchestrant sa propre surenchère avec un art du rollercoaster entertainement plutôt jouissif. Mais il faut attendre le climax, dantesque mais moins inventif, pour retrouver une séquence aussi soutenue. Pour le reste, il y a un combat/fusillade plus basique et une scène où les Wachowski renouent avec leur amour du jeu vidéo en refaisant Space Invaders mais qui s'avère bien trop expédiée. Dans l'ensemble, le résultat est quand même moins novateur que le bullet-time de Matrix ou le "film d'action cubiste" Speed Racer. Jupiter Ascending est du pur Wachowski, jusque dans des scènes de familles qui rappellent le cartoon susmentionné (pour ne pas dire...Mariage à la grecque) ou dans l'habituelle critique du capitalisme et des multinationales (ou devrait-on dire, multigalactiques), avec un petit hommage à Brazil, et, autant le film divisera, avec des gens qui crieront au nanar (la performance outrée d'Eddie Redmayne n'aide pas, faut dire) et des vendus qui parleront de metteurs en scène maudits, autant leurs deux derniers efforts semblaient indiquer une autre direction, narrativement et formellement plus complexe.

par Robert Hospyan

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