Cannes 2016: Julieta

Cannes 2016: Julieta
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Julieta
Espagne, 2016
De Pedro Almodovar
Sortie : 18/05/2016
Note FilmDeCulte : ***---
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Julieta s’apprête à quitter Madrid définitivement lorsqu’une rencontre fortuite avec Bea, l’amie d’enfance de sa fille Antía la pousse à changer ses projets. Bea lui apprend qu’elle a croisé Antía une semaine plus tôt. Julieta se met alors à nourrir l’espoir de retrouvailles avec sa fille qu’elle n’a pas vu depuis des années et décide de lui écrire tout ce qu’elle a gardé secret depuis toujours. JULIETA parle du destin, de la culpabilité, de la lutte d’une mère pour survivre à l’incertitude, et de ce mystère insondable qui nous pousse à abandonner les êtres que nous aimons en les effaçant de notre vie comme s’ils n’avaient jamais existé.

JULIETA DES ESPRITS

Le rideau rouge va se lever. S’il ne s’agit peut-être pas d’un rideau (est-ce une fleur, une robe ?), un voile s’anime dès les premières images du générique de Julieta, prêt à s’envoler pour nous dévoiler son récit. Chez Almodovar, les histoires prennent vie dès l’instant où elles sont racontées, transmises. On réassemble les bouts d’une photo qu’on avait déchirée, on se souvient, on révèle des secrets... chaque révélation vient moins éclaircir le drame que traduire le tortueux chemin que prend la vérité pour sortir au grand jour. La vérité est un secret, et il appartient aux femmes. Les femmes de Julieta vivent dans des contextes différents (époques, classes sociales), mais subissent toutes l’influence des hommes, et jamais autant que lorsque ces derniers sont absents.

Au cœur de ce ballet féminin, une mère et sa fille qui ne se parlent plus depuis douze ans. Qui a quitté l’autre ? Almodovar déploie son mélodrame avec le raffinement (aussi bien narratif qu’esthétique – à l’exception d’une BO qu’on croirait constituée de versions instrumentales de morceaux jazzy signés Liane Foly) qu’on lui connait. Qu’on connait presque un peu trop bien d’ailleurs. "Les événements s’enchainaient sans ma participation" balbutie un personnage pour se dédouaner de sa culpabilité. La réplique est ironique, car tout confortable qu’il soit (et il l’est, ce n’est pas sa moindre qualité), le nouveau Almodovar se déroule comme sur des rails, comme un paysage familier que l’on verrait avec plaisir par la fenêtre sans que l’on puisse y pénétrer à notre souhait.

Paisible et sans surprise, la promenade parmi les souvenirs et les fantômes du passé est agréable mais également un peu frustrante, car on sait le réalisateur madrilène capable d’atteindre des sommets sur ce terrain-là. L’art d’amalgamer les registres, qui faisait le sel de ses chefs-d'œuvre, laisse ici place à un sérieux permanent. Julieta gagne régulièrement un certain relief par les détails cruels de son récit, mais sur la route des excès et des éclats potentiels, s’arrête toujours un peu trop tôt. Un Almodovar avec des garde-fous ? On lui pardonne pour cette fois, car si sa Julieta manque de folie, elle ne manque pas d’élégance.

Le Palmomètre : Selon une combinaison classique pour le cinéaste : des prix pour les actrices et le scénario sont envisageables... mais Almodovar les a déjà mérités davantage par le passé, avec des films plus forts.

par Gregory Coutaut

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