Judge Archer
Chine, République populaire de, 2012
De Haofeng Xu
Scénario : Haofeng Xu
Le film raconte l'histoire de Judge Archer, qui est chargé de régler les différends entre les écoles d'arts martiaux, alors qu'il ne peut lui-même régler ses problèmes familiaux et histoires amoureuses. Son éthique est mise à l'épreuve lorsqu'il est pris au piège d'un complot...
UN JUSTICIER DANS LA VILLE
Qu’on se le dise : à l’heure où les films de combat s’engouffrent pour le pire et (plus rarement) le meilleur dans le tout-numérique, la relève vient d’un cinéaste qui choisit l’option inverse. Judge Archer vient en effet confirmer les qualités déjà flagrantes de The Sword Identity, impressionnant premier long-métrage de Haofeng Xu (hélas inédit en salle chez nous, malgré son circuit en festival : Venise, Tortonto, Busan, etc). Chez Haofeng Xu, tout est plus vrai qu’ailleurs et ça se sent : les décors, les combats, les chorégraphies... L’absence de recours à des effets spéciaux numériques pourrait laisser craindre une austérité confinant à la pauvreté, mais elle témoigne au contraire d’une certaine audace et d’un rare talent de mise en scène. Les scènes de combats sont d'autant plus bluffantes qu'elles ne reposent jamais sur des facilités de montage.
La première scène donne le ton : deux hommes âgés se livrent combat tout en restant assis face à face sur des chaises à quelques centimètres. La scène et courte mais frontale, le combat minimaliste mais décoiffant. Filmé sans génie, la scène serait tombée dans le ridicule, mais Haofeng Xu démontre une nouvelle fois sa maitrise de la grammaire cinématographique, tels des cadrages souvent hors-pair et remplis d’idées, où un travail notable sur le son redonnant aux armes tout leur poids menaçant et aux bruissements d’étoffes tout leur érotisme latent. On pourrait ajouter à cela une utilisation téméraire des ellipses (presque un peu trop, même!) et des savantes variations de registres. Mais ce n’est pas le seul domaine que le réalisateur maitrise. L’ironie veut que, alors que ses propres œuvres demeurent inédites, vienne de sortir chez nous celle qu’il a contribuée à écrire: The Grand Master de Wong Kar Wai, dont il a également chorégraphié les combats (car avant de passer à la réalisation, Haofeng Xu pratiquait lui-même les arts martiaux), excusez du peu. On soupçonne d’ailleurs la plupart des comédiens du film d’être moins des acteurs professionnels que d’autres experts professionnels en arts martiaux. Non pas que leur jeu soit peu assuré mais ils se battent de manière presque trop crédible (bien plus que chez d’autres réalisateurs en tout cas), incroyable et inédite à nos yeux pour que cela révèle du simple entrainement de tournage. Cette crédibilité n'est pas la moindre qualité d’un film qui confirme qu’Haofeng Xu est l’une des plus talentueuses révélations venues de Chine ces dernières années.