Judge
Touxi
Chine, République populaire de, 2010
De Liu Jie
Scénario : Liu Jie, Gao Shan
Avec : Ni Dahong, Qi Dao
Photo : Ryuji Otsuka
Musique : Lim Giong
Durée : 1h38
1997, nord de la Chine. Qiu Wu est condamné à mort pour avoir volé deux voitures. Une coïncidence fortuite a voulu que le juge qui a suivi le dossier ait perdu sa fille dans un tragique accident de voiture perpétré par un voleur de voiture. Mais un changement récent dans les textes de loi peut permettre à Qiu Wu d'éviter la sentence...
L'OMBRE D'UN DOUTE
Lauréat du lotus d'or au Festival du film asiatique de Deauville, Judge, second long métrage du cinéaste chinois Liu Jie, confirme le talent de son jeune auteur. Déjà dans son premier film, Liu Jie collait aux basques de la justice, tribunal itinérant qui crapahute dans les montagnes chinoises avec Le Dernier voyage du juge Feng, où le crépuscule d’un homme, un juge, se mêlait à celui d’un système archaïque. Le film, remarqué à la Mostra de Venise, y avait été primé. Judge s'éloigne du décor carte postale, film urbain écroué entre quatre murs de prison, d'appartement, de bureau. La mise en scène, spartiate, ne s'autorise qu'un minimum de bouffée d'air, observe des visages fermés. Liu Jie s'attache encore une fois à la justice chinoise, à un autre moment de basculement, autre temps et autre décor, où les lois sont sur le point d’être changées. Judge fait le portrait accablant d’une justice qui se monnaie, où le jugement est un service ou une vengeance, où l'individu tient une place qui n'est que secondaire (tout au plus, avec cynisme, l'accusé peut ici servir à un PDG en attente d'une greffe d'organe).
On craint d'ailleurs un temps que le long métrage ne reste bloqué dans l’édifiant-étouffant, mais le développement scénaristique, malin, évite le piège en s’attachant peu à peu à un visage plus qu’à son grade, à ses doutes et à sa conscience malmenée dans un décor jusqu’ici froid comme une prison. Lors d'une séquence, probablement la plus forte, la mise en scène de Liu Jie, jusqu'alors très frontale, capturant ses personnages de près, prend de la distance, donne une autre dimension, deux personnages parlant procédure au premier plan tandis que le condamné (Dao Qi, vu dans Train de nuit) prend place au second, dos à bourreau, climax tragicomique d'un film qui peu à peu prend son envol.