Johnny Mad Dog
Afrique, en ce moment même. Johnny, quinze ans, enfant-soldat armé jusqu’aux dents, est habité par le chien méchant qu’il veut devenir. Avec son petit commando, No Good Advice, Small Devil et Young Major, il vole, pille et abat tout ce qui croise sa route. Des adolescents abreuvés d’imageries hollywoodiennes et d’information travestie qui jouent à la guerre… Laokolé, seize ans, poussant son père infirme dans une brouette branlante, tâchant de s’inventer l’avenir radieux que sa scolarité brillante lui promettait, s’efforce de fuir sa ville livrée aux milices d’enfants soldats, avec son petit frère Fofo, huit ans. Tandis que Johnny avance, Laokolé fuit… Des enfances abrégées, une Afrique ravagée par des guerres absurdes, un peuple qui tente malgré tout de survivre et de sauvegarder sa part d’humanité.
Afrique, année zéro
Produit par Mathieu Kassovitz et présenté dans la section Un Certain Regard du dernier Festival de Cannes, Johnny Mad Dog, premier film de fiction de Jean-Stéphane Sauvaire a un cachet "auteur". Son point de vue documentaire sur les guerres tribales en Afrique éclaire d'une réalité des plus sordides, de l'embrigadement des jeunes enfants par des mercenaires adultes assoiffés de pouvoir à l'utilisation de la drogue pour doper le moral des troupes, en passant par l'inévitable scène tragico-absurde mettant en scène des soldats de l'ONU impuissants. Dans l'épais dossier de presse, Jean-Stéphane Sauvaire explique son plan de bataille et raconte comment il a trouvé ses acteurs, anciens enfants-soldats désormais rangés des bataillons. Par souci d'authenticité et pour ne pas politiser à l'extrême son discours, il a choisi de ne pas localiser le conflit. C'est peut-être là que le bât blesse. Jean-Stéphane Sauvaire filme la guerre comme dans un jeu vidéo, adoptant-là le point de vue le plus évident, partageant même, en quelque sorte, la fascination des enfants pour l'imagerie hollywoodienne (ils se donnent volontairement des prénoms à consonance anglo-saxonne). Bien sûr, le réalisateur et l'équipe du film ne cautionnent pas les atrocités commises en Afrique, mais comme un reportage du Droit de Savoir, ils "spectacularisent" le réel, pour mieux impressionner le spectateur. Et ce n'est pas la scène finale, évidemment atroce, qui rassure sur les intentions des auteurs, bien conscients du film choc qu'ils sont en train de réaliser. On ne peut nier, cependant, l'insupportable efficacité du film.