Je suis une légende

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Je suis une légende
I Am Legend
États-Unis, 2007
De Francis Lawrence
Scénario : Akiva Goldsman, Mark Protosevich d'après I Am Legend
Avec : Alice Braga, Dash Mihok, Will Smith, Willow Smith
Photo : Andrew Lesnie
Musique : James Newton Howard
Durée : 1h41
Sortie : 19/12/2007
Note FilmDeCulte : *****-
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Suite à une pandémie ayant tué la plupart des habitants de la planète, le scientifique Robert Neville survit dans un New York abandonné, seul, à l’exception des personnes contaminées par le virus et devenues vampiriques.

LEGEN - WAIT FOR IT – DARY !

Jamais un projet n’a porté titre plus prophétique. Pendant plus de dix ans, Je suis une légende, troisième adaptation cinématographique du roman culte de Richard Matheson, a erré dans les limbes du development hell hollywoodien, passant entre les mains de plusieurs réalisateurs (Ridley Scott, Rob Bowman, Michael Bay), scénaristes (Mark Protosevich, John Logan) et acteurs (Tom Cruise, Michael Douglas, Arnold Schwarzenegger), avant de disparaître semblablement pour de bon. C’était sans compter sur une époque propice à la concrétisation d’arlésiennes geek et sur l’apparente invincibilité au box-office de Will Smith. En le découvrant non seulement comme interprète principal mais aussi comme producteur, on craignait de voir le film subir le même traitement qu’I, Robot, simili-adaptation sérieuse d’Isaac Asimov parasitée par l’humour hors-sujet de l’acteur. D’autant plus que, à l’instar de ce dernier projet, le scénario de Je suis une légende fut révisé par le même Akiva Goldsman, responsable de certaines atrocités de triste mémoire (Batman & Robin pour n’en citer qu’une). Mettons un terme à ces appréhensions: à la surprise générale, le film de Francis Lawrence apparaît comme maîtrisé et mesuré en tous points, ou presque. En dépit de l’énormité apparente du budget (avec tous ses effets spéciaux ''invisibles'' retouchant numériquement la mégalopole pour la rendre fantôme), malgré le passé du réalisateur (spécialisé dans les clips à l’esthétique léchée), on se trouve devant un produit fini bien plus proche de Seul au monde de Robert Zemeckis que du Survivant de Boris Sagal, précédente transposition du livre à l’écran.

L’IMPORTANCE D’ETRE (PAS) CONSTANT(INE)

Avec ce genre de projets, l’outrage des puristes est généralement de mise. Ici, les choix de divergences par rapport au matériau de base s’avèrent pour la plupart fructueux. Ainsi Los Angeles est-elle remplacée par New York, ''la ville qui ne dort jamais'' comme on dit. Et bien justement, quand elle s’endort et meurt, les grattes-ciel dépérissant et la végétation prenant le dessus des routes, l’image se révèle plus puissante que si le décor avait été celui de la Californie. Selon l’anecdote, c’est inspiré par une vision sans le son (pour ne pas réveiller ses enfants endormis) de La Leçon de Piano que Lawrence a préféré laisser parler la mise en scène, sans esbroufe. Celui qui nous avait habitués à une mise en scène péjorativement qualifiable de tape-à-l’œil, favorisant les compositions de cadre symétriques et les ralentis outranciers, magnifiés par une photographie sombre et soyeuse, abandonne ici ce style iconique au profit d’une approche plus réaliste. La photographie reste propre et certains plans d’ensemble majestueux, mais le reste du temps l’on remarquera beaucoup de plans à l’épaule, très peu de musique et un relatif non-spectaculaire des plans les plus impressionnants. La dernière bande-annonce laissait envisager un film bien plus intimiste qu'on ne pouvait le croire. Elle n’a pas menti. Dès ce deuxième long métrage, Lawrence fait preuve de maturité et ce dans la forme comme dans le fond. Au cynisme façon comic book de Constantine succède le premier degré audacieux de Je suis une légende. Il faut voir ces scènes, reposant beaucoup sur le talent de Will Smith, illustrant à merveille l’isolation du protagoniste.

WE FUCKED UP THE ENDGAME

A ce titre, l’ouvrage original est respecté et les fans n’auront pas à se plaindre. Durant les deux premiers tiers du film, le récit suit Neville et son chien, sans voix off paraphrasant les faits et gestes du héros (comme dans la version de Vincent Price) et sans punchlines vaseuses (comme dans la version avec Charlton Heston). Le trop-plein de ''blagues smithiennes'' tant craint a été évité et les quelques pointes d'humour sonnent juste. On retrouve également les passages du livre où Neville écoute des chansons dont les titres évoquent sa situation ou son état d'esprit. Au-delà du gimmick, l’utilisation de morceaux de Bob Marley ou même du film Shrek (!) se fait pertinente, tant est que le public fasse le saut de foi nécessaire. Blockbuster atypique, Je suis une légende va à l’encontre des attentes avec son absence d’action, son peu de frayeurs et un non-climax quelque peu faiblard cela dit, mais pour d’autres raisons. En effet, dans le dernier acte du film, à partir d’un moment spécifique (que l’on ne révèlera pas ici pour ne pas gâcher la surprise), le film paraît moins fort que dans tout ce qui a précédé. Quelques belles scènes subsistent, notamment tout un discours enragé de Neville sur Dieu, mais on perd quelque chose en route. En modifiant l'un des éléments du livre (Neville tuant durant la journée les infectés n’étant pas encore devenus vampires), pas indispensable en soi, le scénario change évidemment les circonstances de l’éventuelle conclusion et la solution de rechange proposée par le film ne convainc pas et l’idée paraît facile. Bâclée? Peut-être (la fin originale a été retournée). Loin d’être catastrophique, elle demeure, au même titre que cette dernière voix off qui tente de justifier le titre (impossible si le bouquin n’est pas respecté à la lettre donc dispensable), maladroite. Un bémol regrettable donc mais qui ne nuit aucunement au reste du film, à savoir plus d’une heure remarquable en tous points. S’il n’atteint pas le niveau de films tels que La Guerre des mondes ou Les Fils de l’homme, Je suis une légende s’inscrit, avec son monde en désolation et son message d’espoir, dans le même courant post-11 septembre, se hissant là aussi au-dessus du statut de simple grosse machine.

par Robert Hospyan

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