Jack & la mécanique du coeur
France, 2014
De Stéphane Berla, Mathias Malzieu
Durée : 1h34
Sortie : 05/02/2014
Jack est un jeune garçon peu ordinaire. Né le jour le plus froid du monde avec un coeur gelé, il est désormais doté d’une horloge mécanique à la place du coeur. Il doit alors impérativement respecter trois règles : ne pas toucher ses aiguilles, maîtriser sa colère et surtout ne jamais - au grand jamais - tomber amoureux ! Sa rencontre avec Miss Acacia, une petite chanteuse de rue, va précipiter la cadence de ses aiguilles. N’écoutant que le tic-tac de son coeur, Jack se lance dans un incroyable voyage à travers l’Europe, à la découverte des autres et de lui-même…
A LA PLACE DU CŒUR
À l'origine de Jack et la mécanique du cœur, il y a d'abord eu l'album concept du même nom sorti par le groupe Dionysos il y a déjà sept ans. C'est une gestation particulièrement longue qui donne aujourd'hui naissance à ce long-métrage d'animation, et la présence parmi le casting de doublage d'Alain Bashung vient cruellement rappeler ce décalage. Un autre décalage se trouve également dans le parti pris narratif du film. Le protagoniste éponyme, façonné à la mèche près à l'image du leader du groupe Mathias Malzieu, est un enfant (dix ans au début du film, une quinzaine à la fin), mais s'exprime en chanson avec des paroles parfois surprenantes. Quel est la part du public enfantin qui se retrouvera dans des chansons où l'on parle parfois de s'aimer "à s'en cramer le squelette"? Il faut dire que le casting voix, assuré par des artistes ayant au mieux vingt ans de plus que leurs personnage, ne fait que mettre en valeur ce décalage, qui soulève une vraie interrogation: le film s'adresse-t-il toujours au même public? La malice des paroles et leur nombreux jeux de mots semble plutôt appréciable par un public adulte, celui du groupe. Le films est-il un écrin aux chansons ou l'inverse ?
Ce n'est pas l'unique paradoxe du film, dont l'histoire est à la fois très généreuse en détails poétiques (horloge à la place du cœur, train-accordéon, colonne vertébrale servant de xylophone) et finalement bien simple. Simple au point de laisser aux personnages masculins l'absolue exclusivité de la conquête amoureuse, le personnage féminin se retrouvant relégué au rôle de la poupée séduisante, objet incapable de prendre une décision seule. Même les Disney les plus récents sont plus généreux en nuance de ce côté-là. Sans parler des films de Tim Burton, dont on perçoit plus que l'ombre derrière de nombreux éléments. D'abord dans la peinture attachante d'un univers en forme de Freak Show ambulant où les monstruosités sont des atouts, mais aussi plus concrètement dans le traitement visuel des marionnettes, dont la géométrie des visages rappelle plus d'une fois celles des Noces funèbres. Mais du stop-motion, Jack n'a que les apparences, et le tout-numérique n'a ici pas la beauté des œuvres d'inspiration citées plus haut. Pire, le résultat vient contredire l'éloge de l'artisanat et de l'altérité prôné par le film en offrant un résultat visuel qui ne donne jamais l'impression de sortir d'un humble atelier, plutôt d'un ordinateur rempli de 1 et de 0. Comme si le film en lui même faisait preuve d'un peu trop de mécanique et pas assez de cœur.