Ixcanul
Ixcanul Volcano
Guatemala, 2015
De Jayro Bustamante
Scénario : Jayro Bustamante
Durée : 1h30
Sortie : 25/11/2015
Maria, jeune Maya de 17 ans, vit avec ses parents dans une plantation de café sur les flancs d’un volcan, au Guatemala. Elle voudrait échapper à son destin, au mariage arrangé qui l’attend. La grande ville dont elle rêve va lui sauver la vie. Mais à quel prix...
AU BORD DU VOLCAN
Ixcanul Volcano, un premier long métrage venu du Guatemala, surprend dès ses premiers instants. Lors d'une bien curieuse scène, on donne du rhum à des cochons afin... de les encourager à copuler. Jayro Bustamante (lire notre entretien), qui a grandi dans la même région que le film, décrit le quotidien de la manière la plus crue et triviale. Faut-il craindre alors en cet Ixcanul le syndrome du magnifique-portrait-de-femme doublé des platitudes du film world post-Rosetta ? Bustamante, véritable révélation, a beaucoup plus de talent que ça. Il sait d'abord disparaître dans le réel, dans la description de cette communauté qui a l'air hors du temps et au bord du monde: au bord d'un volcan, et au bord des Etats-Unis qui ne semblent pas si lointain pour les personnages, oubliant qu'ils doivent pour y parvenir enjamber tout le Mexique. La baise n'est pas très joyeuse, et (comme les cochons) on s'assomme au rhum dans des bars dont les alentours sont transformés en pissotières.
Sinistre ? Il n'y a pourtant jamais une ombre de misérabilisme dans Ixcanul, dont les personnages (surtout les héroïnes) sont fières et portés par une pulsion de vie. L'air sent le café et le volcan. La présence de ce dernier réveille un imaginaire magique, on chante pour qu'il ne s'éveille pas, on lui fait des offrandes pour le contenter. Le réel s'y crashe: les parents prennent bien moins de soin pour vendre leur fille comme un joli tapis au mec du coin. Il y a pourtant une ambiguité car on sent que certains de ces personnages se bercent de croyances pour affronter le quotidien. Une femme enceinte peut-elle, telle une divinité du volcan, faire fuir les serpents ? Quel est le poids de la communauté dans les règles qui écrasent ses membres, en particulier les femmes ?
S'il y a une référence à chercher dans Ixcanul, ou du moins une parenté, celle-ci se trouve à l'autre bout de la planète. Ce cinéma en immersion dans un autre monde, cette mise en scène de l'urgence, cette bascule entre le réalisme pur et un lyrisme tragique, la violence de ces mondes clos et qui pourtant se côtoient, rappellent les meilleurs films du Philippin Brillante Mendoza. On espère que la suite de la filmographie de Jayro Bustamante sera aussi excitante.