L'Ivresse de l'argent
Donui Mat
Corée du Sud, 2012
De Im Sang-Soo
Scénario : Im Sang-Soo
Avec : Kang-Woo Kim
Musique : Hong-jip Kim
Durée : 1h53
Sortie : 23/01/2013
Youngjak est le secrétaire de Madame Baek, dirigeante d’un puissant empire industriel coréen. Il est chargé de s’occuper des affaires privées de cette famille à la morale douteuse. Pris dans une spirale de domination et de secrets, perdu entre ses principes et la possibilité de gravir rapidement les échelons vers une vie plus confortable, Youngjak devra choisir son camp, afin de survivre dans cet univers où argent, sexe et pouvoir sont rois...
LA FOLIE DES GRANDEURS
Avec L'Ivresse de l'argent, le Coréen Im Sang-Soo a fait son retour en compétition cannoise, deux ans après The Housemaid. On parlait, au sujet de L'Ivresse de l'argent, d'une sorte de relecture masculine de The Housemaid. Il s'agit bel et bien d'une suite. Mais l'univers zinzin installé lors du premier épisode ne laissait pas forcément penser à une démarche aussi triviale que celle d'un simple The Housemaid 2. Im Sang-Soo surprend, encore une fois. Car son nouveau film parvient à ne pas être qu'un encore dopé à la surenchère, tout en allant plus loin dans la farce cyniquissime.
La famille Baek dégueule le fric. Leur maison ressemble à un hôtel de luxe, les membres de la famille posent alanguis sur leurs meubles comme s'ils attendaient un shooting d'Harper's Bazaar, et la première porte qu'on pousse, dans le film, est d'ailleurs celle d'un coffre-fort. "La Corée a progressé" avance un personnage. "Progressé mon cul !" lui répond-on immédiatement. L'Ivresse de l'argent, c'est la Corée décomplexée, c'est la Corée forte. Le pognon des patriarches achète tout, fait du petit personnel des sex-toys dont on peut abuser sans retenue. Mais est-ce vraiment le portrait social déliquescent qui intéresse le plus Im Sang-Soo ?
Le décor est là mais ce n'est pas forcément ce propos, déjà présent dans The Housemaid, qui fait l'intérêt de L'Ivresse de l'argent. A plusieurs reprises, L'Ivresse... brouille les pistes. La famille, réunie, regarde... The Housemaid. Plus tard, on diffuse sur un écran les images de La Servante... le film qui a inspiré The Housemaid. C'est ce plongeon la tête la première dans le métafilmique qui rend L'Ivresse de l'argent aussi déroutant que ludique. The Housemaid supposait un film d'horreur. L'Ivresse de l'argent tourne littéralement au film de vampires. La mise en scène passe d'une suavité mortifère à des plans de travers, légèrement, comme un lifting qui aurait raté. On se mire dans les oeuvres d'art, on n'y voit plus que des monstruosités. Les manifestations à la télé semblent si lointaines et irréelles. Im Sang-Soo tire un étrange trait d'union entre la comédie humaine, grotesque, grand-guignol, mais concrète, et l'absolu surnaturel, farce fantastique qui jongle sur un fil, l'ivresse de l'argent jusqu'à la sorcellerie.