It Felt Like Love
États-Unis, 2013
De Eliza Hittman
Scénario : Eliza Hittman
Durée : 1h22
Sortie : 17/07/2013
Lila, jeune fille solitaire et renfermée traîne son ennui dans un quartier du sud de Brooklyn. L’été de ses quatorze ans, elle s’attache à Sammy, petite frappe plus âgée, rencontrée sur la plage de Rockaway, qui ne lui prête guère d’attention. Cherchant à se faire valoir auprès de ses amis, Lila s’invente une histoire d’amour avec Sammy et s’enfonce peu à peu dans le mensonge jusqu’à prétendre avoir couché. Dans sa quête confuse, Lila prétendument prédatrice deviendra progressivement une proie.
QUAND LA MER MONTE
A première vue, It Felt Like Love a tout du produit Sundance, et ce n’est pas nécessairement un compliment. Pour quelques découvertes, combien de resucées pseudo-indépendantes aussi calibrées que des films de studio, à l’image du gagnant 2013, Fruitvale Station ? It Felt Like Love a été dévoilé à Sundance certes, mais il faisait également partie de la compétition du Festival de Rotterdam il y a quelques mois. Voilà qui est déjà plus intéressant car Rotterdam est dédié à la découverte, aux œuvres radicales, faisant la part belle à un cinéma marginal à la personnalité affirmée. Rien que cette année, des réussites (encore inédites en France) comme l’Autrichien Soldate Jeannette de Daniel Hoesl, les Thaïlandais 36 de Nawapol Thamrongrattanarit et Karaoke Girl de Visra Vichit-Vadakan ou encore le Chinois Longing for the Rain de Lina Yang ont côtoyé It Felt Like Love dans une compétition de très haut niveau. Que des premiers films. Les programmateurs qui vous diront qu’ils ne trouvent pas de sang neuf ne cherchent pas assez.
L’Américaine Eliza Hittman (lire notre entretien) parvient à déjouer pas mal de pièges d’un certain cinéma indé, dès ses déconcertantes premières minutes. Pas de dialogue, pas de musique pour masquer l’absence de dialogue (ce qui est déjà une performance pour ce type de films). Hittman sait installer un climat, un rapport aux lieux, aux personnages, à leur peau. Des gamins s’introduisent dans une baraque, reluquent des bijoux. Mais on n’est pas chez la jeunesse dorée de The Bling Ring, on n’ira pas non plus chez les white trash de Spring Breakers. L’héroïne de It Felt Like Love, contrairement à celles des films de Coppola et de Korine, ne ressent pas tant que ça un vide existentiel : elle est simplement remuée par ses sentiments, secouée par ce qui gronde dans son bas-ventre.
C’est l’été à Coney Island, Lila ressemble à un clown blanc avec sa crème solaire étalée sur le visage. La silhouette d’un jeune homme apparaît dans les vagues, dans le dos de Lila, alors qu’elle ne s’y attend pas. Un plan très beau avant que la caméra ne colle à la perception de l’héroïne, qui détaille le garçon en le morcelant : sa chute de reins, ses mains, un tatouage sur l’épaule, plus tard le dessin de ses pectoraux par l’échancrure de son débardeur. « It feels like love », s’imagine Lila. L’usage du passé dans le titre nous donne un indice sur la tournure des événements. Si la dernière partie du film se cale sur les rails de la coming of age story plus classique, Hittman évite les facilités avec une certaine grâce, fragile mais sans sensiblerie, et fait le portrait attachant d’une adolescente qui voit le monde, les garçons, ses espoirs, l’été, cachée derrière ses lunettes noires à monture rose.