Invasions barbares (Les)

Invasions barbares (Les)
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FESTIVAL DE CANNES 2003 - PLEUREZ, VOUS ETES FILMES

Autoproclamé "Palme de l’émotion" du Festival de Cannes 2003, Les Invasions barbares de Denys Arcand est un film aussi rassis que son personnage principal: une lourde démonstration d’un cinéma de papy pontifiant et usé jusqu’à la moelle, une glorification presque abjecte du tout-émotion. Les deux prix reçus sur la Croisette (le scénario et le prix d’interprétation féminine pour Marie-Josée Croze) tiennent presque du canular. Simple succession de saynètes illustratives, Les Invasions barbares se révèle particulièrement mal écrit, avec ses personnages caricaturaux à souhait, son couple d’homosexuels raffinés vivant en Italie, amateurs de truffes fraîches et de veste mauve. Quant à Marie-Josée Croze, si elle apporte une touche de mystère à un long métrage qui en manque cruellement, elle ne compose qu’un second rôle, bien loin des performances de Charlotte Rampling (Swimming Pool), d'Emmanuelle Béart (Les Egarés) et de Nicole Kidman (Dogville). Pour un festival aussi prestigieux, la double présence au palmarès d’un tel naufrage lacrymal fait tache. Aucune idée de mise en scène ne secoue l’intrigue. Le cinéaste québécois se contente d’alterner gros plans pour les scènes tristes et plans larges pour les moments supposés comiques. Pas de tension, ni de respiration. Priorité est donnée aux dialogues et aux acteurs.

GAUCHE CAVIAR

Denys Arcand tenait pourtant une bonne idée de départ: ressusciter les héros de son principal succès, Le Déclin de l’empire américain, et les confronter à la vieillesse et au temps qui passe. Un sujet intéressant et source de conflits qu’il abandonne pour des réunions d’anciens combattants post-soixante-huitards qui célèbrent leurs erreurs de jeunesse autour d’un bon gueuleton. Où "tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil", où l’épouse cocufiée accepte la présence d’anciennes maîtresses, où l’on est fier de son jeu de mot à la manque avec rires enregistrés. Tout est atrocement balisé, souligné, exhibé: la mort qui rôde près du corps du socialiste volubile, les effusions lassantes (par liaison satellite s’il le faut), les grands sentiments servis à la louche sans aucune pudeur. Le propos des Invasions barbares a même quelque chose de franchement rétrograde. La pensée occidentale authentifiée comme telle – Cioran, Primo Levi, Soljenitsyne, références obligatoires – serait ainsi en danger. Heureusement, tel Zorro, un vieux grisou parviendra à transmettre in extremis son savoir culturel à sa chère progéniture, un trader capitaliste et matérialiste "qui n’a jamais ouvert un livre". Le fils remerciera au passage une jeune bohème camée mais qui, par son tempérament rebelle, comprend le mourant mieux que quiconque. On peut fuir sans hésitation cette pantalonnade.

par Yannick Vély

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