L'Intrus

L'Intrus
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Intrus (L')
France, 2005
De Claire Denis
Scénario : Claire Denis, Jean-Pol Fargeau d'après d'après l'oeuvre de Jean-Luc Nancy
Avec : Grégoire Colin, Béatrice Dalle, Alex Descas, Katerina Golubeva, Florence Loiret, Michel Subor
Photo : Agnès Godard
Musique : Stuart Staples
Durée : 2h10
Sortie : 04/05/2005
Note FilmDeCulte : ****--
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Louis Trebor a un fils qu'il ignore et un autre qu'il ne connaît pas. Après une transplantation du coeur, il tire un trait sur sa vie dans le Jura pour partir en Polynésie sur les traces de ce fils étranger.

L'intrusenvoyé par _Caprice_ - Court métrage, documentaire et bande annonce.

UN COEUR AILLEURS

Le coeur de Louis Trebor ne bat pour personne. Il tourne à vide, dans l'attente d'une greffe vécue comme un simple marchandage. L'intrus, c'est ce muscle froissé, ce poids symbolique qui vit ses dernières secousses, mais aussi celui que Trebor a commandé à une étrangère pour tourner la page et s'embarquer vers l'Asie. Avant, pendant et après la cassure: Claire Denis fait de la traversée de Trebor une fuite sinueuse et indolente, où le désir de mort et les sentiments asséchés déplacent constamment les enjeux du récit. Un seul corps, autoritaire et massif, occupe l'écran. Michel Subor impose au film sa langueur somnambule et ses cauchemars sanguinaires. Décomposé en trois mouvements inégaux, L'Intrus fait papillonner autour de Trebor des femmes évasives, chacune caractérisée par une fonction laconique (l'amante pharmacienne, la belle-fille douanière, la sauvageonne) ou mystique (la masseuse aveugle, la reine des neiges, la mauvaise conscience). L'Intrus est à l'image de son convalescent: un corps amoché répond à un récit désarticulé, une mémoire ténébreuse suggère des flash-backs énigmatiques et des visions angoissées. Claire Denis fait souffler le chaud et le froid, sans précipiter la renaissance et la métamorphose imperceptible de Trebor. L'Intrus avance à reculons, comme si son protagoniste rejetait un coeur trop suspect et renouait avec les liens tortueux du passé.

DE VIE A TREPAS

Aérien, flottant, L'Intrus est assurément un beau film, insaisissable comme tous ceux de la réalisatrice, mais dont la radicale étrangeté et les impasses suffocantes finissent par anesthésier les multiples escales du voyage. De Beau Travail à L'Intrus, les fulgurances formelles n'ont rien perdu de leur puissance évocatrice, mais la cadence s'est altérée. Les fantômes s'insinuent dans la poitrine endolorie de Trebor, le corps apaisé tente de se trouver une nouvelle identité. En vain, le patient s'essouffle, les simulacres s'enlisent et les obsessions tournent en rond. L'odyssée fait du surplace et les promesses restent lettre morte. Les hôtes polynésiens cherchent un fils pour Louis Trebor pendant son hospitalisation, le film semble alors venir à bout de son imaginaire. C'est toute la quête du père qui tombe en déshérence, après un long transit comateux entre Genève et la Corée. Ni les magnifiques accompagnements de Stuart Staples (chanteur des Tindersticks), ni les extraits hétéroclites de Reflux, mettant en scène Michel Subor dans un film des années 60, ne trouvent d'issue satisfaisante. Après le Jura, les visages embrumés et les voix étouffées s'égarent. Claire Denis voulait tracer une boucle apaisée; le trajectoire cyclique, les rapports houleux entre le père et le fils en témoignent, mais L'Intrus se mord trop souvent la queue. Reste la première partie, ébouriffante et sauvage: les échappées sous la neige, l'enfant bercé et le coeur dévoré par un couple de chiens abandonnés.

par Danielle Chou

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