Intouchable (L')
France, 2005
De Benoît Jacquot
Scénario : Benoît Jacquot
Avec : Marc Barbé, Bérangère Bonvoisin, Yaseen Khan, Isild Le Besco, Manuel Munz, Louis-Do de Lencquesaing
Durée : 1h22
Sortie : 06/12/2006
Le jour de son anniversaire, Jeanne apprend de sa mère que son père est Indien, Hindou de l'Inde, rencontré en voyage. Un "Intouchable", lui dira sa mère. Jeanne est actrice, elle abandonne les répétitions de Sainte Jeanne des Abattoirs mise en scène par son amoureux. Pour partir en Inde, tout de suite, elle a besoin de fric, elle demande à son agent d'accepter un rôle de cinéma qu'elle avait refusé.
ON TOUCHE AVEC LES YEUX
De la filmographie en dents de scie de Benoît Jacquot, on garde un souvenir enthousiaste de cette période, courant du milieu à la fin des années 90, où palpitèrent une poignée de films vifs, ambitieux, explorant une veine littéraire jamais affectée — dont on pourrait, si l'on veut, placer le point culminant en 1997, au 7ème ciel. La période en cours sied moins bien à Jacquot, qui, laissant progressivement glisser entre ses doigts entre ses doigts le fil narratif, au nom d'un post-modernisme théorique, semble lentement perdre la grâce. Est-ce le passage à vide suivant Sade, l'écueil relatif du trop académique Adolphe?... Toujours est-il que L'Intouchable, aujourd'hui, ne crédite plus de scénariste à son générique. Pas une tare en soi, cette carence dévoile hélas, dans la pratique, une absence de point de vue. Segmenté en deux parties également sans enjeu, deux géographies (Paris, l'Inde) sans exploration, L'Intouchable semble naviguer à vue, compiler les scènes, délayer, retarder sans cesse l'irruption de la narration, et s'emploie même, logiquement, à chasser le récit dès lors qu'il pointe son nez.
A tant s'ingénier à ne rien raconter (une répétition de théâtre avortée, un embouteillage interminable, un embarquement à l'aéroport, un contrôle de papiers...), le film a tôt fait de s'enliser et l'heure vingt-deux de métrage de sembler s'étirer plus que de raison. Sans sujet, sans souffle, monté spasmodiquement et fier de l'être, exhibant sa photo volontairement terne et granuleuse, signée Caroline Champetier, comme un trophée art & essai, L'Intouchable se révèle au final en véhicule vain pour le seul corps de cinéma d'Isild Le Besco. Comme dans A tout de suite, l'actrice est en effet le seul point d'ancrage du film, qui, tel un amant frustré, la dévore du regard et ne semble chercher qu'à la dénuder. Chose faite à plusieurs reprises, au détour de séquences souvent gratuites, dévoilant seins, fesses, sexe, ventre malaxés, caressés, huilés en plans rapprochés. Que la révélation d'un corps soit le sujet d'un film, pourquoi pas. Mais qu'un film soit le prétexte au dévoilement d'un corps, et l'on peut alors, légitimement, se sentir de trop.