Intimité
Intimacy
France, 2000
De Patrice Chéreau
Avec : Philippe Calvario, Marianne Faithfull, Kerry Fox, Susanna Harker, Mark Rylance, Timothy Spall
Durée : 2h00
Sortie : 28/03/2001
Liaison pornographique entre un barman divorcé et une comédienne anonyme et mariée, subite et sans raison précise. Chaque mercredi, ils baisent, ne se parlant presque pas. Pourtant cet idéal plan cul va tourner à l'orage quand lui va vouloir en savoir plus sur elle.
Intimité est un film fort. Balayant la caution excitante des scènes crues par un regard ou une larme, la relation que nouent cet homme et cette femme, dont on ne sait en fin de compte rien, atteint des summums de puissance, comme si nous étions les victimes de leurs pulsions jouissives mais aussi autodestructrices. De la manière dont ils se regardent, se déshabillent, font l'amour, jouissent (ou pas), tout est dit, instants éphémères dont on ne voudrait vraiment pas savoir plus. Mais ce n'est que le début. Lorsque Jay se met à suivre Claire, le film quitte cette optique de désir cru, voyeur et dérangeant, pour pénétrer dans ces sentiments qu'ils n'osent s'avouer, par peur de détruire la magie électrique de leurs rapports. Il apprend qu'elle est mariée, côtoie son mari, lui fait savoir qu'il baise une femme tous les mercredi, joue au jeu du chat et de la souris, proie aveugle. Pourquoi? On ne sait franchement pas, qu'est-ce qu'on peut y comprendre à l'amour (surtout des autres)? Voilà peut-être pourquoi cette histoire simple si compliquée frappe autant, jusqu'à un dénouement qui semble couler de source tellement l'histoire apparaît comme universelle, inévitable et foudroyante. La facilité de l'extase d'un instant remplacée par la douleur du dévoilement soudain de l'autre qu'on a soudain peur de perdre, par peur de tout reconstruire encore une fois.
Le tour de force de Chéreau est de ne jamais tomber dans la glauquerie. Et pourtant les pubs et arrières-boutiques d'Angleterre sont d'un sordide très commun. Tant pis, on se fout du décor, trop attirés que nous sommes par tout ces personnages qui bougent, témoins sans le savoir d'une grande tragédie quotidienne. Même si toutes ces scènes n'arrivent jamais à la cheville de ces moments où ils se retrouvent ensemble qui dévastent tout, même l'ennui légitime qu'on peut éprouver dans ces scènes où ils ne restent pas conjointement. Leurs vies, prises individuellement, relâchent l'intensité de leurs scènes même si elles prendront toutes un sens à un moment. La mise en image, l'écriture et la musique sont également remarquables, mais on retiendra surtout ces deux comédiens magistraux, d'une générosité d'exhibition au propre comme au figuré, qui forment le couple de cinéma le plus passionnant depuis celui d'In the Mood for Love.