Interstella 5555

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Interstella 5555
The 5tory of the 5ecret 5tar 5ystem
Japon, 2003
De Kazuhisa Takenouchi
Scénario : Thomas Bangalter, Cédric Hervet
Musique : Daft Punk
Durée : 1h07
Sortie : 28/05/2003

Note FilmDeCulte :

Quatre musiciens extraterrestres sont kidnappés pendant leur concert par des hommes cagoulés. A la tête du complot: un redoutable magnat de l’industrie rock, qui les rebaptise The Crescendolls et décide d’en faire le groupe le plus adulé de la planète. Amoureux de la jolie bassiste, un pilote téméraire suit en cachette les agresseurs jusqu’à notre système solaire.

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EMBARQUEMENT IMMEDIAT

Professionnels du déguisement, les Daft Punk avaient revêtu leurs plus beaux atours pour la sortie de Discovery, album Juvamine approuvé par tous les dance floors. Customisés par le légendaire Leiji Matsumoto, les enchevêtrements électro-disco-funk-house des deux têtes invisibles trouvent dans Interstella 5555 un écrin inespéré. Quatre clips illustrant les premiers singles ont tourné en rotation sur les chaînes musicales, avant d’être balayés par de plus frais exposants. Découvrant leurs résonances délicieusement eighties, One More Time, Aerodynamic, Digital Love et Harder, Better, Faster, Stronger appelaient à l’évidence des suites qui n’ont jamais vu le jour. Interstella 5555 vient à point nommé décrasser la machine; le long métrage de soixante-sept minutes compile l’intégralité de ces courts animés, en restituant le tracklisting exact de l’album. Quatorze déflagrations stellaires et autant de chatoiements terriens pour un décollage immédiat des rétines: combinaisons fluo, ustensiles lasers, pastilles multicolores, curiosités rétro… Les Daft ayant gardé le goût des après-midis Nutella et des ambiances boule à facette, le choix de confier les commandes à Leiji Matsumoto s’est imposé de lui-même. Spécialiste des space opéras oniriques et créateur d’Albator, parrain inépuisable de la décennie Casimir, le dessinateur taille une vitrine sur mesure pour le plus célèbre des duos anonymes.

STAR ACADEMY

Evoqué dès la genèse de Discovery, Interstella 5555 n’est pas une simple enfilade d’épisodes clinquants, opportunément mis bout à bout. L’entreprise de longue haleine respecte une intrigue cohérente et se regarde comme un parent proche de Yellow Submarine des Beatles et The Wall de Pink Floyd. Ludique et incisif, le scénario co-écrit par Thomas Bangalter et Guy-Manuel de Homem-Christo, dénonce pêle-mêle les travers de la course médiatique, la gloriole des groupes pré-fabriqués et les ratés de la société de consommation. Manipulation, surexposition: autant de thèmes puisés dans l’histoire de Daft Punk, passé maître dans l’art du camouflage pour mieux exaspérer les médias. L’album aux samples irrésistibles ne se contente plus de faire danser. En distillant des saveurs mélancoliques, le couple humanise un coffre à tubes formatés et donne une surprenante envergure dramatique aux cavalcades synthétiques. L’ascension haletante des Crescendolls, poupées désincarnées et prisonnières de leur succès, passionne jusqu’au dernier scratch. Les pulsations entraînantes de Superheroes, la pop avenante de Something About Us et les rimes Rondo Veneziano de Veridis Quo se marient spontanément au dessin flexible de Leiji Matsumoto. Habitués à s’entourer de la crème des clippeurs, les Daft Punk concrétisent avec Interstella 5555 leur projet le plus émouvant et le plus excitant.

par Danielle Chou

En savoir plus

Rendu célèbre par un capitaine corsaire à la joue balafrée, Leiji (né Akira) Matsumoto a bâti en trente ans un vaste univers SF de toute beauté, traversé de dilemmes politiques, de conflits amoureux, d’interrogations pessimistes sur la postérité humaine, de rêveries sur l’immortalité... Influencé par Walt Disney et Osamu Tezuka, le trait rond et candide des débuts dérive peu à peu vers un dessin plus assuré et aussitôt reconnaissable: jeunes premiers à la mèche rebelle, sylphides aux jambes interminables et petits grassouillets à lunettes. Une constante: des héros opiniâtres oeuvrant pour la communauté et marchant sur les traces de leurs aînés. Révélé à l’âge de quinze ans, Matsumoto publie ses premières planches dans la revue Manga Shônen, réunies sous le titre Mitsubachi no bôken (Les Aventures d’une abeille). Comme bon nombre de mangakas (dessinateurs de bande dessinée), le nouveau venu fait ses preuves dans la presse féminine en s’attelant à un genre en vogue très codifié, le shojô manga, où priment les récits fleur bleue, emplis de larmes et de pétales de cerisiers.

Tandis qu’il retourne à ses premiers amours, le western (Laramee Tokujô, Gun Frontier), le récit de guerre (Jungle X, Zero Pilot, Black Zero, The Cockpit) ou la SF (Planet R, Metropolis Zero, Denkô Ozma, Machinners, Sexaroid), Akira devient Reiji (Leiji pour les Occidentaux, le r se confondant avec le l en Japonais), idéogrammes qui signifient littéralement "guerrier zéro". En 1970, sa série Otoko Oidon (Je suis un homme!) sur les déboires d’un étudiant recalé lui ouvre la voie du succès. Mais c’est à partir de 1974 que la renommée bat son plein. Le cultissime Uchû Senkan Yamato (Yamato, le cuirassé de l’espace), du nom d’un navire de guerre japonais, pose les fondations du style Matsumoto. Le succès aidant, le dessinateur se lance dans l’animation et devient le character designer d’une multitude de films et d’OAV (Original Animation Video) dérivés de ses mangas. Le mythe se poursuit en 1978 avec Uchû Kaizoku Captain Harlock (Albator) et Ginga Tetsudô 999 (Galaxy Express 999), complétés quelques années plus tard par Wakusei Robo Dangard A (Planète Robo Dangard A), DNA Sights 999.9, Sennen Joô (Queen Millenium) et de nombreux revivals de ses titres phares.