Innocence
Australie, 2003
De Paul Cox
Scénario : Paul Cox
Avec : Kenny Aernouts, Julia Blake, Marta Dusseldorp, Robert Menzles, Terry Norris, Charles Tingwell, Kristine Van Pellicorn
Photo : Tony Clark
Musique : Paul Grabowsky
Durée : 1h34
Sortie : 30/07/2003
Andreas et Claire se sont aimés. Cinquante ans après leur liaison enflammée, les deux amoureux se retrouvent. Malgré le temps, l’âge déclinant et leurs responsabilités familiales, Andreas et Claire réalisent qu’ils s’aiment toujours.
L’AMOUR A MORT
A soixante-dix ans, le désir est-il toujours le même? La passion et ses corollaires (jalousie, doute, suspicion) sont eux restés intacts. La révélation tardive d’un amour inassouvi précipite le destin d’Andreas et Claire. Agrippés de toutes leurs forces à une jeunesse révolue, les deux amants fautifs revivent l’embarras des premières fois. Paul Cox superpose les souvenirs pétrifiés du couple à vingt ans, aux corps vieillissants des deux septuagénaires. Au détour de chaque reflet, Innocence assène lourdement l’évidence: le temps a suivi son cours, les lois ingrates de la nature ont altéré les traits et remodelé les silhouettes. Cox expose volontiers les seins nus de Claire jeune, mais censure par pudeur la peau flétrie et les rides disgracieuses. Le cinéaste a beau érafler le tabou de la sexualité chez les seniors, il aborde la question avec des gants en inox. L’unique scène d’amour du film ne montrera que des dos et des épaules dénudées. Claire (habillée) glissera bien une main vers son pubis; le seul nu intégral du film sera le fantôme de l’épouse d’Andreas – ou la vision mortifère d’un cadavre sans visage courant dans un cimetière.
VOIX PASSIVE
La chair est palpable mais infiniment triste. La relation d’Andreas et Claire ne se différencie aucunement des flirts adolescents. Elle est rendue plus urgente et nécessaire par la transgression, la maladie et la mort. Volontiers cérémonieuse, la mise en scène canonise les deux tourtereaux, sans véritablement laisser éclore les sentiments. Les dialogues ampoulés et péremptoires handicapent davantage un récit chétif. La structure un rien compassée du scénario (jeunesse/vieillesse, gravité/insouciance, dévotion charnelle/dévotion spirituelle…) refuse de s’attarder sur la jouissance amoureuse, écrasée par des flash-back inopportuns. Les respirations et les silences autorisés par Paul Cox ne suffisent à balayer cette cruelle impression de surplace. A l’arrivée, Innocence exaltera plus le deuil qu’une passion libérée. Les couples auront eu le loisir de se déchirer, de s’accuser des pires maux. Innocence dépeint un amour qui n’est pas dupe. Les enfants bienveillants épaulent les parents désorientés, le médecin confident diagnostique un cancer en phase terminale. Claire s’évanouit dans une église, au moment où Andreas fait retentir les orgues. Le drame des amants vieillissants selon Cox: ressasser un passé évanoui, se projeter dans un avenir obstrué, et ne jamais pouvoir contempler l’instant présent.