Indignation

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Indignation
États-Unis, 2016
De James Schamus
Scénario : James Schamus
Avec : Sarah Gadon, Logan Lerman
Durée : 1h49
Note FilmDeCulte : ****--
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Marcus, 19 ans, intègre un lycée catholique dans l’Ohio, loin de chez ses parents.

UNE EDUCATION

"Tu es plus étrange que je ne l'imaginais" : ce curieux compliment fait à Markus par sa petite amie, on a également envie de le faire à Indignation. Pour sa première réalisation, le producteur américain James Schamus parait pourtant avoir pris une voie bien sage: se basant sur un roman de Philip Roth, il livre une adaptation en apparence classique, quoique fort élégante, où les personnages et le contexte culturel (la communauté juive new-yorkaise, les années 50, la jeunesse des campus américains...) créent eux aussi de prime abord un cadre fort familier, presque trop. De quoi se demander si l'on n'a pas déjà vu Indignation avant même que le film se déploie entièrement sous nos yeux. Or, le film et son protagoniste partagent comme qualité d'avoir un caractère surprenant sous des apparences domestiques.

Markus est un élève brillant, sûr de lui mais discret, sans histoire. Le passage de son cocon familial à la découverte des autres jeunes gens de sa génération va pourtant le conduire à affirmer sa personnalité. C'est également ce que fait le film, qui dans un premier temps sème de curieux détails dans son scénario, des aspérités discrètes qui ne vont pas tarder à éclore. Tout d'abord un personnage féminin nuancé et complexe, autant dire une occurrence rare (surtout dans un film centré sur un personnage masculin, où elle ne pourrait être que la girlfriend de service). Sous le vernis du film littéraire en costumes, il y a là une vraie modernité dans la manière qu'a le scénario de traiter de la liberté intellectuelle féminine et de la liberté des jeunes filles à disposer de leur sexualité, sans pour autant transformer ce personnage en fantasme pour adolescent.

Mais le plus beau coup du film, c'est qu'il arrête net l'évolution de son récit pour laisser place sans crier gare à une très longue et très impressionnante scène de joute verbale, duel en huis-clos entre Markus et le doyen de son université. Passionnante dans sa violence contenue en même temps que dans ses subtiles variations de registres, cette séquence centrale donne à l'ensemble une structure audacieuse. On croit qu'elle vient rassembler (un peu en mode "profil d'une œuvre") tous les grands thèmes du film (l'honnêteté intellectuelle, la difficulté à s'intégrer quand on fait partie d'une minorité, la prédestination sociale, la nécessité du compromis), mais la deuxième partie du long métrage les redistribue alors avec une ironie amère. Markus sort en héros de ce face à face, mais son véritable apprentissage va consister à... tout désapprendre. Il y a dans Indignation un art du contrepied discret qui mérite en effet d'être remarqué. Cet apprentissage aurait pu être une éducation sentimentale, or il s'agit davantage d'une éducation intellectuelle (genre nettement plus rare) rappelant cette citation de Proust: "Là où la vie emmure, l'intelligence perce une issue". Un film tout à fait accessible qui parle pourtant de la nécessité de l'exigence intellectuelle: voilà une belle pirouette.

par Gregory Coutaut

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Indignation est projeté cette semaine au Festival de la Roche-sur-Yon.

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