Illégitime

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Illégitime
Ilegitim
Roumanie, 2016
De Adrian Sitaru
Durée : 1h29
Sortie : 08/06/2016
Note FilmDeCulte : ****--
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Lors d’un repas de famille, quatre frères et sœurs découvrent le passé polémique que leur père leur a caché. Tandis que cette révélation divise la famille, un autre scandale surgit...

SCANDALE DANS LA FAMILLE

Illégitime met les pieds dans le plat, et s'ouvre illico sur une de ses scènes les plus fortes: un repas de famille qui dégénère en à peine quelques minutes. Les enfants apprennent que sous Ceaușescu, le père a dénoncé à la police des femmes qui cherchaient à se faire avorter, et ce dernier n'éprouve aucun remord, bien au contraire. En quelques phrases, nous voilà plongés directement dans le bain. Pas le temps, comme le ferait un film classique, de nous expliquer de A à Z qui ici est le fils, le frère ou le petit ami de qui (un trouble volontaire et pas anodin), pas le temps pour la tension de grimper qu'elle explose déjà à la figure de tout le monde. On pourrait se croire en terrain cinématographique connu: celui du règlement de compte familial, filmé caméra à l'épaule comme en immersion. Mais (tout en s'en tirant particulièrement bien sur ce terrain) Illégitime n'a pas tiré toute ses cartouches.

Plutôt qu'à un scénario rigide et explicatif, le réalisateur roumain Adrian Sitaru fait confiance à l'improvisation de ses comédiens. Cela ce sent dans certaines scènes où l'attention se dilate un peu, où la nervosité de l'ensemble paraît ralentir et renaître parfois à l'intérieur d'un même dialogue. Mais cela donne surtout une force et véracité bienvenue à ces problèmes familiaux qui aurait pu paraître excessif dans un film plus classique. Sitaru a ainsi combiné au fil du tournage plus de dix heures de rush. Il est dès lors remarquable qu'au milieu de tout cela ait émergé au final une structure narrative aussi singulière. Passée son ouverture tendue, Illégitime semble curieusement perdre de vue son sujet choc. Mais à ce dernier répond un second sujet choc, que nous préférons ne pas révéler ici. Celui-ci (encore plus dingo) se dévoile peu à peu, prenant de plus en plus le pas sur l'histoire du père, jusqu'à culminer dans une scène finale de règlement de compte, en miroir de la toute première.

La précieuse tension d'Illégitime possède une curieuse forme de circonflexe inversé, avec ces deux scènes explosives placées en tout début et fin de film, avec son ventre un peu mou où s'opère ce troc progressif de sujets tabous. A première vue, l'échange en question peut prêter à confusion, et susciter des doutes quant au point de vue du réalisateur. Dans un retournement d'une ironie très cruelle, les enfants de cette famille (dont on ne pouvait qu'approuver la rébellion envers un père criminel) se retrouvent à leur tour en position d'être moralement condamnés. Dès lors, qui a raison et qui a tort? Qui sont les salauds? Cette punition des enfants ingrats pourrait faire passer le film pour complètement réac, mais ce serait nier à Sitaru sa malice, sa capacité à avoir un tour d'avance.

Il faut attendre véritablement le tout dernier plan pour trouver dans sa composition la confirmation qu'Illégitime se situe du bon côté. Le plan a beau être quasi immobile, il témoigne à lui tout seul qu'un style cru et sur le vif ne veut pas dire absence de mise en scène. C'est presque un clin d’œil amical au spectateur, rassuré d'être arrivé sain et sauf au bout de ce grand huit moral. Au final, la seule morale du film est qu'il est vain et dangereux de vouloir jouer à la police de la morale, quel que soit le sujet. Cette leçon valait bien le prix de l’ambiguïté.

par Gregory Coutaut

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