Les Marches du pouvoir
Ides of March (The)
États-Unis, 2011
De George Clooney
Scénario : George Clooney, Grant Heslov
Avec : George Clooney, Paul Giamatti, Ryan Gosling, Max Minghella, Philip Seymour Hoffman, Marisa Tomei, Evan Rachel Wood, Jeffrey Wright
Photo : Phedon Papamichael
Musique : Alexandre Desplat
Durée : 1h35
Sortie : 26/10/2011
Stephen Meyers est le jeune mais déjà très expérimenté conseiller de campagne du gouverneur Morris, qui se prépare pour les élections à la présidence américaine. Idéaliste et décidé à faire honnêtement tout ce qu’il peut pour faire gagner celui qu’il considère sincèrement comme le meilleur candidat, Stephen s’engage totalement. Pourtant, face aux manipulations et aux coups tordus qui se multiplient vite, Stephen va devoir faire évoluer sa façon de travailler et de voir les choses. Entre tentations et désillusions, les arcanes du pouvoir le transforment…
PARTIE DE CAMPAGNE
Après un moment d'égarement sur la comédie romantique d'époque Jeux de dupes, George Clooney réalisateur revient à ses amours premières, l'arène politico-médiatique avec un film qui déçoit légèrement de par sa relative simplicité. La première moitié demeure appréciable, notamment par le biais d'une écriture habile et des archétypes (le candidat iconique, le chef de campagne blasé, le jeune idéaliste, la stagiaire, le chef adverse, la journaliste) servis par un casting all star, sans étincelles mais très performant. Cependant, là où on peut pardonner le côté un peu "Aaron Sorkin digest" de cette description du microcosme de la campagne, il est plus difficile d'adhérer à la deuxième partie, qui ramène les arcanes de la politique à des petits coups fourrés de thriller et à un scandale - certes toujours d'actualité - un peu trop vu. Presque n'importe quel épisode de l'illustre série A la Maison Blanche offre une intrigue plus complexe et, en outre, bien plus réelle, que ce qu'on peut voir dans l'adaptation de cette pièce pourtant réputée (et inspirée des primaires démocrates américaines de 2004 et du candidat Howard Dean). On saisit la volonté de Clooney et son partenaire d'écriture Grant Heslov de réduire cet univers à une substantifique moelle mais l'exercice était plus approprié sur Good Night, and Good Luck, sans doute parce que la grande Histoire s'y racontait mieux à travers la petite.
THE LEFT WING
Cela dit, même s'il n'invente rien, Les Marches du pouvoir propose un fond loin d'être inintéressant. Dans sa manière d'illustrer le moment précis où l'on cesse de croire en ses idéaux, et ainsi, par le biais du parcours de son protagoniste, l'œuvre étend ce thème en propos sur la gauche américaine d'aujourd'hui, décevante malgré la promesse incarnée par Barack Obama en 2008. Interviewé lors du Festival de Venise, Clooney expliquait que le projet était en gestation depuis un moment mais qu'il ne pouvait le réaliser il y a quelques années, "parce qu'on y croyait encore". Aujourd'hui, à un an des élections présidentielles US, le film résonne comme un constat désenchanté. Si le récit s'avère donc en deçà de son potentiel, l'auteur n'a rien perdu de sa verve en ce qui concerne la portée de son cinéma. A l'instar de son message affûté, Clooney témoigne également d'une main et d'un regard de plus en plus assurés, sachant rester relativement sobre, tout en habillant son film d'habiles cadres dans le cadre et d'images marquantes, avant d'asséner par intermittences un effet plus cash pour marquer le coup. Une approche formelle élémentaire mais redoutablement efficace, plus que jamais présente dans le dernier plan, lourd mais parlant, et qui pourrait trouver échos dans les futures nominations aux Oscars l'an prochain.