How to Start Your Own Country
Six personnes présentent leur nation: la République de Molossia dans le Nevada, un pays de 1,3 hectares et qui compte 6 habitants ; la Principauté de Seborga, créée en 820 après JC ; la Principauté de Hutt River, le deuxième plus grand pays sur le continent australien...
ÉTATS D’ESPRITS
Parlons ponctuation. Il n’y a pas de point d’interrogation dans le titre du documentaire de Jody Shapiro. Et pourtant, celui-ci s’apparente moins à un manuel à l’usage de tous les apprentis indépendantistes qu’à un stupéfiant catalogue de micro-nations, englobant à la fois les revendications politiques les plus sérieuses (le cas de la reconnaissance internationale de la Palestine ou de la Tchétchénie sont évoqués), la performance artistique (à mi-chemin entre l’art conceptuel et le Land Art) et les délires narcissiques les plus zinzins. Parmi les six cas scrutés en détails par le cinéaste, il n’y a pas deux nations qui se ressemblent. Le très sérieux cas de la Principauté de Serboga, noyée dans l’unification italienne au 19e siècle, fait face à celui plus farfelu de Hutt River, autre principauté, fondée par un mégalo australien réajustant le paysage à son image (son visage est sculpté dans la roche comme au mont Rushmore) et tellement doué en géographie que pour lui l’Australie est un continent. Pour l’anecdote, ce prince-là finit par n’avoir pour seule activité que vendre des timbres (toujours à son effigie) aux touristes de passages.
La réussite de How To Start Your Own Country vient de la juxtaposition de ces cas que tout oppose, et dans sa manière de concilier la moquerie amusée et des analyses politiques du plus grand sérieux. Les motivations donnant naissance à ces projets hors-normes sont parfois évidentes, comme le cas de ces utopistes californiens qui cherchent à lutter contre la surpopulation et l’appauvrissement de ressources terrestres en créant des plateformes habitables autosuffisantes en plein océan. Mais face aux empereurs de bacs à sables, pathétiques et hilarants rois de leur propre jardin, la question qui se pose est moins « comment créer son propre pays » que tout simplement « pourquoi ? ». Hormis pour échapper aux impôts (ce qui rate souvent), leurs motivations psychologiques restent insondables. C’est pourtant une interrogation qui finit par crever l’écran, et à laquelle le film n’apporte pas toujours de réponses satisfaisantes. La faute sans doute à une approche un peu superficielle de certaines pistes. En effet, si le film n’ennuie jamais, il finit par susciter plus de questions que de réponses, et laisse un peu sur sa faim. Mais cela ne nuit finalement pas tant que ça au capital sympathie de cette galaxie d’intervenants qui, malgré leurs revendications communes, donnent surtout l’impression de ne plus vivre sur la même planète.