Hellboy II - Les Légions d'or maudites
Hellboy II – The Golden Army
États-Unis, 2008
De Guillermo Del Toro
Scénario : Guillermo Del Toro d'après une histoire de Guillermo del Toro et Mike Mignola
Avec : Selma Blair, Luke Goss, Doug Jones, Ron Perlman
Photo : Guillermo Navarro
Musique : Danny Elfman
Durée : 2h00
Sortie : 29/10/2008
Après qu'une ancienne trêve établie entre le genre humain et le royaume invisible des créatures fantastiques est rompue, l'Enfer sur Terre est prêt à émerger. Maintenant, il est temps pour le super héros le plus indestructible et le plus cornu de la planète de combattre un dictateur sans pitié et ses légions. Il peut être rouge, il peut avoir des cornes, il peut être mal compris, mais si vous voulez que le travail soit bien fait, appelez Hellboy.
TOUTE PREMIERE FOIS, TOUTE TOUTE PREMIERE FOIS
Comme nombre de réalisateurs, Guillermo del Toro a ce chic pour alterner les blockbusters et les petits films, imposant sa patte avec plus ou moins de réussite dans les deux registres. Cependant, la question a toujours été de savoir s’il lui était possible d’allier le charme de ses films hispaniques personnels avec le divertissement de ses grosses machines hollywoodiennes. En 2004, avec Hellboy, le cinéaste s’adonnait à un premier essai dans ce sens et si le film s’avérait satisfaisant, l’expérience n’était pas la plus aboutie. L’adaptation semblait manquer d'aisance dans l'application de certaines conventions. Le personnage de John Myers, créé de toutes pièces pour le film afin de proposer un identifiant pour le spectateur, en est symptomatique. En effet, Del Toro essayait de lui donner un intérêt avec une espèce de triangle amoureux ne prenant jamais forme et qui ne sert qu’à souligner le choix final de Liz (accepter d'aimer un freak et donc assumer sa part de freak). Malgré ces efforts, on vit trop le film par procuration au travers de ce personnage peut-être dispensable. Globalement, c'est à ce niveau que pèche un peu le premier film, dans son exposition. La volonté d'adapter fidèlement le comic book accouche d’une structure un peu bancale, avec des apparitions épisodiques des méchants pas toujours gérées aux mieux et quelques ruptures de rythme. D'aucuns appelleront ça "une sensibilité européenne" là où il s’agit surtout de petits pièges de l'écriture. Tout cela disparaît ici. En inventant une nouvelle histoire, non adaptée d’une bande-dessinée pré-existante, mais sans se permettre non plus d’être aussi décomplexé qu’un Blade II, le metteur en scène nous offre un spectacle tout aussi fun mais où il se révèle fort impliqué. Tout y paraît plus homogène, notamment en ce qui concerne l'intrigue des "méchants" justement, mais aussi ses protagonistes principaux ainsi que dans la prolongation d’un univers autrement plus riche.
MONSTRES ET CIE
Plus que jamais, Guillermo del Toro donne la part belle à ses créatures chéries, à ses monstres. S'enorgueillant d'hommages à l’illustre animateur Ray Harryhausen ou à la séquence de Mos Eisley dans Star Wars, le réalisateur propose un bestiaire qui transporte la franchise vers une autre dimension. Le chapitre précédent était déjà un film de "détails". Dès Cronos, son premier long métrage, on pouvait noter l'amour de l’auteur pour les babioles, les rouages, les bestioles, etc. Et tous ses films depuis ont témoigné des mêmes motifs. Hellboy ne dérogeait pas à la règle et cette suite embrasse alors davantage ce leitmotiv, multipliant les gadgets et aussi les bébêtes. Néanmoins, la dimension de l’œuvre ne se limite pas qu’à ces quelques minuties. Hellboy II est véritablement épique. Si l’on simplifiait grossièrement, on pourrait qualifier le premier volet de série B tandis que celui-ci fait figure de série A. Tandis que le premier évoluait entre une trame de serial à la Indiana Jones (prologue avec nazis et occulte, aventure dans des cryptes, Raspoutine) et l'horreur tentaculaire de H.P. Lovecraft (l'Ogdru Jahad, l'Apocalypse, etc.), celui-ci épouse clairement l'heroic fantasy (trolls, princes et guerres mythiques) et même les contes de fées. On retrouve des vestiges du Labyrinthe de Pan, évoqué notamment par le prologue mais également par certaines créatures comme l'Ange de la Mort. Quand on sait que l’opus suivant dans la filmographie du bonhomme n’est autre que l’adaptation de Bilbo le Hobbit, on n’est pas étonné de voir ce film transpirer l’envie de raconter pareille histoire.
BEAUTIFUL FREAK
Plus carré dans son déroulement que son prédécesseur, le film gère mieux l'équilibre entre l’exposition, les dialogues, les scènes plus calmes, plus dramatiques, et les séquences d'action. Rien n'est sacrifié sur l'autel du cahier des charges d'une suite. Cependant, celui-ci est respecté par le biais d’une surenchère de tous les instants mais, paradoxalement, Del Toro "se lâche" tout autant qu'il "maîtrise". Derrière ses apparences de blockbuster, il apparaît plus personnel que le chapitre d'avant. Ce dernier traitait du thème du choix, davantage fouillé dans Le Labyrinthe de Pan, mais celui-ci retourne à ces justifications de monstres "gentils", ces mêmes monstres incompris que dans Cronos, L'Echine du Diable ou Blade II. Visuellement, thématiquement, et jusque dans les détails, Hellboy II apparaît plus grand, plus poussé, plus riche. Tout y est mieux, à commencer par les personnages. Non seulement les méchants bénéficient-ils d’une trame plus touchante mais ce sont surtout les gentils qui prennent du galon. La relation entre Hellboy, toujours aussi cool, et Liz, moins pleurnicharde, se développe (ainsi que le thème de la paternité, amorcé dans le premier). Abe Sapiens a plus de présence et n’est plus un simple sidekick, et le nouveau venu Johann Krauss est juste un régal. Corrigeant les bémols de la dernière fois, Guillermo del Toro compose un deuxième épisode bien meilleur mais avant tout, il remporte son pari en donnant naissance à de l’entertainment plus grand que nature sans rien perdre de son âme ambrée.