Heaven
, 2002
De Tom Tykwer
Scénario : Krzysztof Kieslowski, Krzysztof Piesiewicz
Avec : Cate Blanchett, Remo Girone, Giovanni Ribisi, Stefania Rocca, Alessandro Sperduti
Durée : 1h36
Sortie : 20/11/2002
Une femme dont le mari est mort d’overdose cherche à tuer le responsable et provoque la mort de quatre innocents. Elle se laisse arrêter et s’apprête à accepter son sort quand un jeune carabinier l’aide à s’évader.
"Dans la réalité on ne monte pas si haut. Jusqu’où pouvons-nous monter?"
Ainsi commence et s’achève le film de Tom Tykwer. Si vous n’aimez pas son univers, évitez-le film car, bien qu’il ne l’ait pas écrit cette fois-ci, nous retrouvons son obsession pour les histoires d’amour au destin compliqué. Heaven est un film hybride, mi-thriller, mi-histoire d’amour. Deux parties bien distinctes, la première ayant lieu en ville, principalement dans les locaux de la police italienne, et la seconde dans la merveilleuse campagne toscane. L’enfer de l’interrogatoire, le drame qui se joue dans les bureaux, puis le purgatoire sous le soleil, aidant la méditation sur la culpabilité et l’amour avant le grand saut vers le paradis. Le film manque de rythme, peut-être car Tom Tykwer est passé à une réalisation plus simple, sans la mise en scène clipesque qui a marqué ses deux précédentes réalisations (dont Cours Lola, cours). Cela dit, on lui pardonne volontiers cette lenteur qui nous laisse le temps d’admirer la superbe photographie de son complice Frank Griebe et une direction d’acteurs incomparable.
Heaven est aussi une histoire parfois difficilement crédible, avec par exemple le changement d’attitude du personnage de Cate Blanchett, qui répète à plusieurs reprises vouloir payer pour les vies innocentes qu’elle a prises, mais qui au bout du compte s’enfuit avec Philippo. A moins bien sûr qu’au vu de la corruption de la police locale, elle ne décide de (se) faire justice elle-même? Le film pêche également parfois au niveau des dialogues, qui sont terriblement plats. Juste au lendemain de l’évasion, au petit matin, on peut entendre Cate Blanchett dire "Tu as dormi à côté de moi?" alors qu’elle vient de se réveiller et qu’elle voit Philippo à ses côtés! A moins une fois de plus que ce ne soit pour renforcer l’innocence et la distance de ce personnage par rapport à ce qui lui arrive. Elle a tellement l’air de ne pas être de ce monde. Il y a d’ailleurs plusieurs fois au cours du film des vues aériennes comme pour souligner un témoin invisible qui regarde en bas ce qui se passe. Ceci peut sembler tiré par les cheveux mais semble d’autant plus logique quand on sait que Krzysztof Kieslowski et Krzysztof Piesiewicz sont à l’origine du scénario, qui constitue le premier volet d’une trilogie: Paradis, Purgatoire et Enfer. On sait que chez Kieslowski: rien n’est jamais laissé au hasard. Le moindre petit détail est pensé, calculé et possède sa signification propre.
Pour son cinquième film et pour la première fois, Tom Tykwer non seulement ne tourne pas en allemand - le film est en italien et anglais - mais il s’offre un casting international de choix. Cate Blanchett est la lumière de ce film. Son visage dépourvu de maquillage et ses yeux bleus si expressifs font ressortir une impression de pureté que l’on retrouve également dans la très belle musique d Arvo Pärt avec chacune des notes de piano et des accords de violon, et dans la blancheur de la robe de mariée dans la seconde partie du film. Elle est pure, mais pas suffisamment dans la première partie, et sa coupe de cheveux reflète cette situation, en effet elle a les cheveux blonds mais on peut voir de belles racines noires, alors que dans la deuxième partie du film l’ange nous apparaît dans toute sa splendeur. Il en va de même pour Giovanni Risibi, dès son apparition à l’écran on sent qu’il n’est pas à sa place, qu’il n’appartient pas au milieu dans lequel il évolue. C’est donc tout naturellement que ces deux êtres presque tombés du ciel vont se rencontrer. Dans la deuxième partie du film, ils sont dépouillés de leur existence passée pour ne faire plus qu’un, sentiment qui est renforcé à l’écran pas leur ressemblance physique, ils ne sont plus qu’une seule et même âme. On pourrait même se demander en fin de compte qui sauve l’autre. Si ce n’est pas ce hasard, si présent déjà dans les autres œuvres de Kieslowski, qui la met sur sa route à lui et non l’inverse. Ce hasard qui a joué un bien méchant tour à une concierge de cinquante ans et à un père de famille et ses deux fillettes.
Un film qui au final alterne le bon et le moins bon et qui ne fera pas l’unanimité. On ne peut s’empêcher de penser à ce que Kieslowski aurait fait de cette histoire s’il avait été aux commandes, même s’il n’a jamais été question qu’il réalise un seul des trois volets. Le hasard ne lui a pas donné l’occasion de changer d’avis et l’a envoyé beaucoup trop tôt au paradis des réalisateurs.