Harry Potter et la coupe de feu
Harry Potter and the Goblet of Fire
États-Unis, 2005
De Mike Newell
Scénario : Steve Kloves
Avec : Ralph Fiennes, Brendan Gleeson, Rupert Grint, Daniel Radcliffe, Miranda Richardson, Emma Watson
Musique : John Williams
Durée : 2h36
Sortie : 30/11/2005
La quatrième année à l'école de Poudlard est marquée par le Tournoi des trois sorciers. Les participants sont choisis par la fameuse coupe de feu. Elle sélectionne Harry Potter alors qu'il n'a pas l'âge légal requis et qu’il ne s’est pas proposé. Quelque chose de louche se trame à Poudlard…
HARRY, UN AMI QUI VOUS VEUT DU BIEN
La saga Harry Potter, on commence à la connaître. Au départ, les mauvaises langues la qualifiaient de franchise purement vénale, adaptation sans intérêt d’une collection de best-sellers, entamée par le faiseur Chris Columbus alors qu’en face, l’auteur Peter Jackson traduisait une autre série de livres à l’écran tout en se l’appropriant, signant un triple chef-d’œuvre du genre. Hâtivement condamnées après deux épisodes certes sympathiques et fidèles mais trop sages, les aventures du sorcier nous avaient agréablement surpris avec l’arrivée d’Alfonso Cuaron, permettant enfin aux adaptations d’évoluer au-delà du simple "copier/coller". La tâche qui incombe alors à Mike Newell n’est pas une mince affaire. Et c’est haut la main qu’il relève le défi. Considéré par bon nombre de lecteurs comme le meilleur chapitre, Harry Potter et la coupe de feu devient également et sans problèmes l’un des meilleurs tomes cinématographiques, aux côtés du précédent. Quatre films, trois réalisateurs différents, autant de directeurs de la photographie, et plusieurs monteurs et autres techniciens auront travaillé sur la saga. Pourtant, au travers des épisodes, celle-ci a toujours su garder une cohérence dans sa charte graphique. Malgré les défauts d’Harry Potter à l’école des sorciers, il faudra reconnaître à l’essai d’avoir conçu visuellement l’univers imaginé par J.K. Rowling. Quatre ans plus tard, il s’enrichit encore. Sans dénoter formellement avec ses prédécesseurs, le cinéaste revisite les différentes approches esthétiques et thématiques des autres volets, donnant naissance à un hybride cependant différent, un vrai film de divertissement qui finit par la même occasion d’instaurer l’histoire d’Harry Potter comme une mythologie à part, différente du Seigneur des anneaux et consorts. A la fois magique et obscur, ce quatrième opus prend soudainement la dimension d’une véritable épopée fantastique.
BAGUETTE TRAGIQUE
Dès les premières minutes, Newell donne le ton. Le brouillard embrume un cimetière de son enveloppe et le plonge dans la pénombre. Figures de la faucheuse et crânes humains composent les mausolées de ce lieu funèbre. Harry Potter et la coupe de feu est le premier épisode de la saga à être classé PG-13 (interdit aux moins de 13 ans non accompagnés) aux Etats-Unis. Dès le début, il avait été prévu par Rowling que les chapitres deviendraient de plus en plus sombres au fur et à mesure que les héros grandiraient et que Voldemort reviendrait. Chris Columbus nous avait introduit à ce monde, invitant le spectateur à la magie par le biais d’un halo bleuté, apaisant, avant de passer, l’année suivante, à des tons jaunâtres et verdâtres, jouant sur l’horreur et le dégoût. Cuaron affectionnait une approche naturaliste tout en jouant sur le clair-obscur et les contrastes entre noir et blanc. Mélancolique et teinté par les malheurs à venir, Harry Potter et le prisonnier d’Azkaban se fond dans le film de Newell, qui fait référence à ses pairs, épousant par moments la forme de l’un puis celle de l’autre. De base, l’ouvrage littéraire original se démarquait déjà par son caractère épique. De la Coupe du Monde de Quidditch (malheureusement un peu éclipsée) à son sublime final apocalyptique (qui finit d’asseoir la franchise comme une saga originale) en passant par les trois épreuves du tournoi, cette quatrième escapade à Poudlard promettait le vrai blockbuster parmi les adaptations. Le metteur en scène étant surtout connu pour Quatre mariages et un enterrement ou Donnie Brasco, on redoutait quelque peu le résultat final. Cela ne l’empêche pas de livrer un film plus grand que nature qui se targue même de quelques très bonnes idées de mise en scène.
LA PLUME EST PLUS FORTE QUE L’EPEE
Newell comprend bien tous les genres auxquels adhère son récit, du grand spectacle au thriller en passant par le teen movie. C’est peut-être là que réside la touche personnelle apportée par le metteur en scène. Chez Cuaron, le thème de la puberté bourgeonnante et les quelques originalités visuelles (ces ouvertures et fermetures en iris, par exemple) s’imposaient comme la marque d’un auteur. Si ce nouvel opus ne possède pas une valeur ajoutée aussi visible, on décèle cependant le passé dans les boarding schools de Newell, premier réalisateur britannique à s’atteler à la tâche, dans des milliers de détails qui cernent à merveille le milieu scolaire emblématique de la création de Rowling. A ce titre, l’autre talent responsable de la réussite de ces deux dernières œuvres n’est autre que Steve Kloves. Présent depuis le début, le scénariste a su s’améliorer, apprendre de ses erreurs, et à chaque fois se détache un peu plus du roman pour mieux l’assimiler. Tranchant sans hésiter dans un monstre de plus de 700 pages, Kloves livre une véritable adaptation, dans le sens où il omet volontairement beaucoup de détails, de sous-intrigues, voire même des personnages, au profit d’une narration fluide, sans problèmes de rythme, qui saisit l’essentiel de l’œuvre. On retiendra notamment une bonne demi-heure centrale, respiration bienvenue entre deux épreuves du tournoi, qui offre sans doute la scène la plus drôle des quatre films et qui culmine dans un Bal de Noël mémorable. Une nouvelle fois, la barre est haute pour le successeur. En février 2006, c’est David Yates qui entamera le tournage de Harry Potter et l’ordre du phénix, son premier long métrage après une carrière télévisée. A l’instar de Columbus, Cuaron et Newell, peut-être apportera-t-il lui aussi quelque chose de nouveau à la saga? Tout en restant familier évidemment, car maintenant, la franchise Harry Potter est à suivre de près.