Hancock
États-Unis, 2008
De Peter Berg
Scénario : Vince Gilligan, Vy Vincent Ngo
Avec : Jason Bateman, Will Smith, Charlize Theron
Photo : Tobias A. Schliessler
Musique : John Powell
Durée : 1h32
Sortie : 09/07/2008
Il y a les héros, les super-héros et il y a... Hancock. Ses super-pouvoirs lui ont souvent permis de sauver d'innombrables vies, mais les dégâts monstrueux qu'il fait au passage ont fini par le rendre impopulaire. Les habitants de Los Angeles n'en peuvent plus et se demandent ce qu'ils ont bien pu faire pour mériter un "héros" pareil. Hancock est une tête de mule irascible qui n'est pas du genre à se soucier de ce que pensent les gens, du moins jusqu'à ce qu'il sauve la vie de Ray Embrey, un spécialiste des relations publiques. Le super-héros le plus détesté au monde commence alors à réaliser qu'il n'est pas aussi insensible qu'il voudrait le faire croire...
TONIGHT, HE COMES
A l’origine de Hancock, il y a un scénario initial de Vy Vincent Ngo qui traînait à Hollywood depuis dix ans, relatant les aventures d’un super-héros incapable d’avoir un orgasme sans tuer sa partenaire. Seulement une fois que Will Smith s’y est attaché, amenant avec lui le scénariste-producteur Akiva Goldsman, avec qui il avait déjà récupéré les projets I, Robot et Je suis une légende, le film est devenu un blockbuster se devant d’élargir au plus son public en vue d’une sortie pour le week-end de la fête nationale aux Etats-Unis. Au vu du résultat final, on pourra donc regretter la disparition des aspects les moins politiquement corrects au profit d’une comédie familiale mais il faut accepter le film tel qu’il est. Cependant, il est impossible d’ignorer que le produit fini témoigne effectivement de nombreuses retouches (sur le scénario mais également suite aux projections-tests) et qu’il part un peu dans tous les sens. Choisissant de raconter l’histoire d’un super-héros déchu, alcoolique, (auto-)destructeur, qui n’est pas une adaptation d’un titre pré-existant, les auteurs se permettent de revisiter le genre sous un angle un tant soit peu nouveau et le résultat, bien que légèrement bancal, s’avère fort rafraîchissant. Tout d’abord parce qu’il témoigne de la digestion par le public de codes ayant éclaté il y a dix ans maintenant avec la nouvelle vague d’adaptations de comics mais aussi parce qu’il sait en exploiter l’univers de manière à proposer un traitement quelque peu original.
HANCOCK, MODE D’EMPLOI
Après les départs de Jonathan Mostow (Terminator 3) et Gabriele Muccino (A la recherche du bonheur), c’est Peter Berg qui fut engagé pour réaliser ce film de super-héros atypique. Dans un premier temps, le choix étonne mais il s’avère en vérité assez judicieux dans la mesure où le cinéaste avait adopté avec ses deux derniers longs métrages (l’inédit Friday Night Lights et Le Royaume) une approche « réaliste » assez mesurée, favorisant la caméra à l’épaule sans pour autant tomber dans le cliché de l’image granuleuse à outrance. Ainsi la mise en scène permet-elle d'asseoir d'emblée l'intrigue dans notre monde à nous. A ce titre, l’utilisation lors d’une séquence d’une vidéo amateur sur YouTube pour montrer un exploit passé du protagoniste se révèle également une excellente idée, tant le filmage de la scène comme son support ancrent l’action dans le réel. L’univers de personnages avec super-pouvoirs est donc assimilé comme faisant partie du quotidien parce que le film part du principe que le spectateur est à présent familier avec ce genre d'univers. Au même titre que le monde au début du film, il connait déjà Hancock. Il n’y a pas de scène où le personnage découvre ses pouvoirs ou bien de personnages qui découvrent l’existence du super-héros. A l’instar de Jumper, les auteurs peuvent se permettre de plonger le public dans une histoire de super-héros sans qu'il soit nécessaire de passer par les étapes d'exposition jusqu'à récemment quelque peu exigées.
I AM LEGEND
Durant ses deux premiers tiers, le récit se fait brut de décoffrage. Voici Hancock, dieu vivant et connard fini, que tout le monde déteste et prend pour acquis. Avec son charisme de star a priori indétrônable, Will Smith est parfait dans le rôle. A ses côtés, l’excellent Jason Bateman (Juno) incarne son attaché de presse. Une fois de plus, un concept moderne transposé dans un univers comic book apporte non seulement une certaine véracité à l’ensemble mais permet également d'aborder d'un point de vue réaliste les codes du genre (voir la scène de l'uniforme). Par conséquent, l’exercice évite habilement la redite suite aux nombreux films du même registre. Du moins, jusqu’à son troisième acte, où un twist soudain, pas forcément incohérent, demande néanmoins un temps d’adaptation tant il propulse l’œuvre dans un autre film, une autre histoire. Condensée en une vingtaine de minutes, pour le dénouement, cette nouvelle direction déconcerte quelque peu et jure avec la plus apparente aisance de l’heure qui précède et, en dépit d’une scène assez forte et belle sur la fin (ne parlons pas de l’épilogue culcul), c’est un peu dommage. Jusque là, Hancock, avec son intrigue consciente d’elle-même, sans jamais être révolutionnaire, propose un traitement qui, à défaut d’être réellement novateur, sait être différent, en plus d’être souvent drôle et bien foutu dans l’action, et réaliste sans manquer d'iconographie comic book.