Hamaca paraguaya

Hamaca paraguaya
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Hamaca paraguaya
France, 2006
De Paz Encina
Scénario : Paz Encina
Avec : Ramon Del Rio, Georgina Genes
Durée : 1h18
Sortie : 15/11/2006
Note FilmDeCulte : ****--

Le 14 juin 1935. C'est l'automne, mais la chaleur subsiste et ne semble pas vouloir s'effacer. Dans un endroit isolé dans les terres du Paraguay, Candida et Ramon, un couple de paysans âgés, attendent leur fils, parti au front, à la guerre de Chaco. Ils attendent également la pluie, le vent, que la chaleur s'éclipse, que la chienne cesse d'aboyer. Enfin, ils attendent des temps meilleurs...

MÉFIEZ-VOUS DU CINÉMA QUI DORT

Le leurre est d'autant plus habile qu'on ne s'y attend pas. Géométrie savante du cadre fixe et de l'axe frontal, raréfaction donc précision de la coupe, temps réel déployé en étendard d'un cinéma de gestes, de corps, de temps, où l'on sent le contemplatif poindre et la vériste lenteur menacer. Quelque chose, pourtant, dissone. Si tout indique un cinéma du réel, de l'instant présent, étiré sur sa juste longueur, il faut tendre l'oreille pour apprécier le piège tendu par Hamaca paraguaya: le couple de vieillards qui installe son hamac à l'arrière-plan a beau sembler n'en plus finir de discuter, il est pourtant tout à fait envisageable qu'il ne pipe, en fait, mot. De ces visages incertains, car trop lointains, trop petits sur le grand écran, a-t-on réellement vu les lèvres s'animer? Rien n'est moins sûr.

La suite, qui les sépare et du même coup s'approche davantage d'eux, en témoignera: Candida et Ramon pensent et agissent mais ne parlent pas (ne parlent plus?). Et Paz Encina leur prête un monde à leur image, où les oiseaux piaillent sans jamais apparaître sur le carré de ciel gris qu'un plan comme volé consent à nous céder; où rien n'indique que ce même plan céleste, le grondement de l'orage, ou encore l'aboiement lointain d'une chienne esseulée, appartiennent effectivement à une seule et semblable temporalité. Voix internes, réminiscences, mensonges aux autres ou, obstinément, à soi-même: Hamaca paraguaya est un tissu subtil de doutes et de faux-semblants — de raccords, vrais et faux, en somme, d'interrogations quant au synchronisme de l'image et du son. Cela faisait trente ans que le cinéma paraguayen se taisait. La renaissance que lui offre Paz Encina se fait de la plus pertinente et culottée des manières: en mettant en garde quant à son inhérente capacité à leurrer, en enjoignant à s'en méfier. Souhaitons que cette nouvelle vie lui soit longue.

par Guillaume Massart

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