Festival de Gérardmer: Halley
Mexique, 2014
De Sebastian Hofmann
Scénario : Sebastian Hofmann
Durée : 1h24
Alberto est mort et il ne peut plus cacher l’évidence. Le parfum, le maquillage, ces artifices deviennent insuffisants pour dissimuler la réalité de son corps en rapide décomposition. Mais au moment de tirer définitivement sa révérence, il se lie d’amitié avec Silvia, la directrice du club de gym qui l’emploie comme gardien de nuit...
HALLEY EN PAIX
Premier long métrage du Mexicain Sebastian Hoffmann, Halley est également produit par son illustre compatriote, Carlos Reygadas. Le protagoniste de Halley semble d’ailleurs échappé de Bataille dans le ciel, sauf qu’il s’agit d’un zombie. Mais les personnages de Bataille… sont-ils davantage vivants ? Le héros de Halley n’est d’ailleurs jamais désigné comme tel, personne ne parle de zombie. Il pourrit sous nos yeux, tout simplement. Son pourrissement est encore plus évident puisqu’il travaille dans une salle de gym, que son teint de gastro-entérite contraste avec les couleurs des bouteilles de boissons supervitaminées et les t-shirts des gym-queens. Les mecs s’excitent en boxant sur leurs sacs de frappe et la vie exhale de chacun de leur pore. Pendant ce temps, Alberto pourrit.
Vous voyez déjà venir le programme imposé et complaisant de la sordide désespérance humaine ? Halley est plus malin que ça. Plus drôle aussi. Par exemple lorsque le héros Droopy regarde, affligé, les programmes télé les plus cons du monde, avec des boobs s’agitant dans tous les sens. Ou lorsqu’un suspens naît d’un gargarisme bien cadré devant le lavabo de la salle de bain (de quelle couleur sera le crachat ?). Enfin lorsqu’Alberto s’accroche à une rampe comme à la vie, à la façon des âmes en peine des films de Roy Andersson. La vie du personnage de Halley a beau ressembler à celle de Jeanne Dielman et être aussi fun qu’un dimanche aprem passé devant France 3, il y a de la place pour la malice. Mais aussi pour la misère.
Lors d’une séquence marquante, Alberto se rend à l’église, entouré d’aveugles et handicapés. Une mascarade pour ceux qui de toute évidence ont été abandonnés par dieu. Par le choix minutieux de ses cadres, Hoffmann fait naître une inquiétante étrangeté : un plan sur un bébé cireux qui mange de la glace, un autre sur des mamans qui se maquillent (trop) dans le tramway. Hoffmann prend son temps, l’existence se déforme : on s’attarde sur deux mouches qui se rencontrent, sur des bulles de liquide vaisselle qui dégouline. Les vies, elles, s’effacent en un passage de comète dans le ciel. Le beau décrochage final achève de brouiller les pistes sans imposer d’interprétation. Voilà une belle révélation.