Haewon et les hommes

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Haewon et les hommes
Corée du Sud, 2012
De Sang-Soo Hong
Scénario : Sang-Soo Hong
Durée : 1h30
Sortie : 16/10/2013
Note FilmDeCulte : *****-
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Haewon, jeune étudiante coréenne, veut mettre fin à sa liaison avec Seongjun, l'un de ses professeurs. Alors que sa mère est sur le point de partir s'installer au Canada, Haewon est gagnée par la mélancolie...

AMOUREUX SOLITAIRES

Qu’attendre d’un nouveau film de Hong Sang-Soo ? Pas du radicalement nouveau évidemment, mais tout de même une nouvelle nuance, un point de vue différent sur les thématiques qui lui sont chères. On boit, on s’aime, on hésite, on parle beaucoup et se comprend peu, mais tout cela dans une grande quiétude qui n’empêche pas une légère ironie. Quelle est la vraie nouveauté de Nobody’s Daughter Haewon? Non pas le fait que le protagoniste soit ici une femme, car cela était déjà le cas dans les récents Oki’s Movie et In Another Country. Jusqu’ici les films de Hong parvenaient à alterner humour et mélancolie avec élégance, souvent même à les amalgamer à l’intérieur d’une même scène. Tout le début de Haewon est effectivement très drôle, avec sa guest-star improbable et cette relation mère-fille trop parfaite et presque kitsch. Mais on sait que sous leurs airs de miniatures, les films de Hong sont des trésors de faux-semblants. Derrière ces débuts cocasses se cache déjà quelque chose de dissonant.

Tout le monde aime bien Haewon. Sa mère, son amant, les inconnus dans la rue… Tout le monde a plein d’idées sur ce qu’elle devrait être et faire pour s’épanouir : acheter un livre même si elle l’a déjà lu, devenir Miss Corée ou sosie de Charlotte Gainsbourg… Mais personne ne lui parle de qui elle est vraiment. Du coup Haewon a la tête un peu ailleurs : elle rêve, écrit dans son journal, ressasse des souvenirs, fantasmes de nouvelles rencontres. Dans toutes ses dernières œuvres, l’art narratif de Hong Sang-Soo a toujours consisté à multiplier les pistes de récits, à tracer en parallèle (et sans les contredire) différents trajets et destins pour ses protagonistes, à travers des histoires de rêves éveillés ou de film dans le film. Dans Haewon, tous ces récits, répétitifs ou contradictoires, sont tous mis au même niveau, traités avec le même réalisme. Impossible de distinguer ce qui est « vrai » de ce qui ne l’est que dans la tête de l’héroïne, mais le flou de cette frontière est plus qu’assumé, c’est l’enjeu même du film. Comme Hong le dit lui-même « Les rêves de Haewon peuvent être comparés à sa vie éveillée, mais personne ne peut nier qu’ils fassent tout autant partie de sa vie ». Cette audace narrative est encore trop peu souvent créditée comme elle le devrait. Les films d’Hong Sang-Soo passent pour des petits films mignons parce qu’ils préfèrent l’élégance discrète aux biceps bandés du conceptuel bien visible.

La nouveauté c’est qu’ici, ces récits parallèles donnent au film une amertume plus nette et tranchée qu’auparavant. Si le début du film est drôle, savoir qu’il n’a peut-être jamais vraiment eu lieu rend les autres scènes encore plus moroses par contamination. Quand Haewon ou son amant jouent et rejouent la Symphonie numéro 7 de Beethoven, celle-ci sonne de plus en plus faux, ressemble de plus en plus à une pauvre musique d'ascenseur, piètre pis-aller de l’original. Le titre enfonce d’ailleurs le clou : pourquoi l’appeler Nobody’s Daughter si la relation de l’héroïne avec sa mère est au contraire aussi parfaite qu’on le voit ? Ces faux semblants sont ici moins ironiques que tristes, faisant de Haewon une héroïne solitaire et émouvante, finalement pas si éloignée de celui de Marie Rivière dans Le Rayon Vert de Rohmer, l’un des films préférés d’Hong Sang-Soo.

par Gregory Coutaut

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