H2G2, le guide du voyageur galactique
The Hitchhiker's Guide to the Galaxy
États-Unis, 2005
De Garth Jennings
Scénario : Douglas Adams, Karey Kirkpatrick
Avec : Warwick Davis, Mos Def, Zooey Deschanel, Martin Freeman, John Malkovich, Sam Rockwell
Durée : 1h48
Sortie : 17/08/2005
Tandis que les bulldozers menacent le paisible cottage d'Arthur Dent, les épouvantables Vogons décident d'anéantir la Terre pour construire une autoroute hyperspatiale. Grâce à un concours de circonstances tout à fait improbable, Arthur est alors sauvé par un compagnon de beuverie extra-terrestre, Ford Prefect.
DOUGLAS, L'UNIVERS, ET LE RESTE
Il y a dans ce pays une fracture, une terrible conspiration qui marque du sceau de la honte un vaste panel d'individus résolument fréquentables. Ils vont par groupes et se réunissent dans des endroits douteux pour conspirer contre notre bonne vieille culture en fomentant des attentats au phaser, des happenings en Force. Ils aiment les escapades exponentielles de Star Trek, récitent par coeur les dialogues de Star Wars, assument leur culte la tête haute, peu soucieux d'être singés par des malotrus guindés. Brimés sont ces gentils fanatiques, et pourtant ils ont pignon sur rue, car qui peut se vanter chez nous d'adorer Le Guide galactique? Et s'il le faisait, saisirions-nous son champ lexical? Phénomène so british, le Guide a jailli l'air de rien de l'esprit bigarré de Mr Douglas Adams. Dans sa première occurrence, c'est un feuilleton radiophonique diffusé par la BBC à trois occasions, entre le 8 mars 1978 et le 25 janvier 1980. Entre temps, il est décliné en deux livres (Le Guide galactique et Le Dernier Restaurant avant la fin du monde). Suivront une série télévisée, un troisième tome (La Vie, l'univers et le reste) et un nouveau feuilleton radio. Deux autres romans (Salut, et encore merci pour le poisson et Globalement inoffensive), quelques t-shirts et de nombreux mugs plus tard, l'œuvre d'Adams est vénérée en Angleterre et aux Etats-Unis. C'est un culte que nous ignorons royalement. En 1978, Adams est approché par Hollywood pour céder les droits cinématographiques. Mais les réelles tentatives ne débutent que quelques années plus tard: Adams travaille un temps avec Ivan Reitman (il aime tant son scénario qu'il le fait réécrire par un inconnu), qui partira réaliser SOS Fantômes. Suivront Jay Roach (Austin Powers), Michel Gondry (Eternal Sunshine of the Spotless Mind) et de nombreuses versions du script. Quand Douglas Adams meurt subitement en 2001, Le Guide galactique n'a jamais été aussi près de se faire. D'aucuns pensent alors que s'il avait dû, cela serait le cas depuis longtemps.
GLOBALEMENT CULTE
Et pouvait-il? Fallait-il? Certes oui, quand on découvre la saveur familière du film de Garth Jennings. Les Vogons sont administrés à outrance et rivalisent de poésie meurtrière, Marvin (Alan Rickman vocalise et Warwick Davis interprète) est un robot dépressif à point: H2G2 respire le souci compulsif du détail, de la touche "adamsienne". A ce titre, l'effort esthétique est chaleureux et réjouissant: le visuel resplendit de clarté tout en étant parfaitement absurde (la représentation du Guide est en cela exemplaire). C'est bel et bien l'univers et le reste, et 42 est effectivement la réponse ultime (vous comprendrez). On ressent pourtant un grand sentiment d'étrangeté, l'effet indésirable d'une adaptation parfaite: H2G2 est si respectueux de l'œuvre d'Adams qu'il ne se soucie pas assez d'être un film. L'enchaînement des scènes est souvent chaotique, privilégiant l'humour et le sketch au rythme. En résulte une narration hiératique, progressant selon les bonds improbables du magnifique Cœur en Or (vaisseau à générateur d'improbabilité). On peine donc à être emporté par le film, même si l'on est souvent amusé et parfois hilare. De la même façon, le casting baigne tellement dans l'absurdité adamsienne que les interprétations chevronnées sont presque outrancières. La fidélité devient cinématographiquement dommageable. Si l'on peut remercier mille fois Disney d'avoir respecté Le Guide galactique, force est de constater que ça n'en fait pas un film parfait. Et c'est peut-être sur ce point que Garth Jennings l'emporte, splendide dans sa détermination à ne faire que du Douglas Adams, rien que du Douglas Adams: décousu, absurde et improbable. Son adaptation humble et téméraire d'un monument du non-sens est potentiellement culte. Ne serait-ce que pour cette raison, bravo et merci pour le poisson.