Graine et le mulet (La)

Graine et le mulet (La)
Envoyer à un ami Imprimer la page Accéder au forum Notez ce film
Graine et le mulet (La)
France, 2007
De Abdellatif Kechiche
Scénario : Abdellatif Kechiche
Durée : 2h31
Sortie : 12/12/2007
Note FilmDeCulte : *****-
  • Graine et le mulet (La)
  • Graine et le mulet (La)
  • Graine et le mulet (La)
  • Graine et le mulet (La)
  • Graine et le mulet (La)

Sète, le port. Monsieur Beiji, la soixantaine fatiguée, se traîne sur le chantier naval du port dans un emploi devenu pénible au fil des années. Père de famille divorcé, s'attachant à rester proche des siens, malgré une histoire familiale de ruptures et de tensions que l'on sent prêtes à se raviver, et que les difficultés financières ne font qu'exacerber, il traverse une période délicate de sa vie où tout semble contribuer à lui faire éprouver un sentiment d'inutilité. Une impression d'échec qui lui pèse depuis quelque temps, et dont il ne songe qu'à sortir en créant sa propre affaire: un restaurant.

GRAIN DE BEAUTE

Un peu à l’admirable façon de L’Esquive, gavé en César comme La Graine et le mulet a été couvert de prix à Venise, le réalisateur Abdellatif Kechiche sait comment détourner les pièges de plomb de la consciencieuse dissertation. Slimane est un héros tragique à la Gogol, bûcheur au regard qui éponge l'humiliation, la détresse et les piqûres, mais dont la retenue pudique est trahie par son dos voûté, adversaire d'une roue sociale qui aura vite fait de rompre ses os et ses espoirs de promotion, ici remettre à flot un vieux bateau, moqué par quelques commères masculines, remonter littéralement la Source, et l'accrocher fort sur le quai de la République. Le discours social est donc tout le temps là, mais éclairé autrement, sans projecteur ni surligneur, d'abord en utilisant l'ellipse (sur le licenciement, sur les démarches administratives), et surtout parce que Kechiche comprend qu'il ne peut lui donner de force, de pertinence et d'authenticité qu'en lui offrant un visage, ou plutôt mille, réunis autour d'un repas comme un rituel.

LE BON GRAIN DE L’IVRAIE

Un couscous où le temps se dilate et les langues s'agitent, avec une spontanéité en or, où la vie envahit l’écran et s’empare de la peau de ses personnages, en furetant dans le plus trivial du topo Pampers jusqu’à l'affrontement de clans, sans gros miel des familles sur une convivialité idyllique à partager, car les rapports restent parfois durs et pétris de contradiction. Kechiche, habile, parvient à une empathie très précieuse, dans cette tragi-comédie qui pioche chez Vittorio de Sica et ses chourages de bicyclettes, où le verbe haut est encore une fois féminin, arme fatale qui change de couleur cent fois dans la bouche de sa jeune héroïne lors d’une bluffante scène de persuasion où la jeune Hafsia Herzi brûle la pellicule plus encore qu’ailleurs. Sa parole comme un javelot contre ceux dont les révoltes sont mortes ou ceux qui n’ont plus d’autre horizon qu’un retour défait au bled, jusqu'au langage corporel, danse aussi sensuelle que macabre car rattrapée par le destin qui devient le terrain tragique de ce que Kechiche a de si quotidien à raconter, dans un HLM ou un hôtel miteux, au plus près des visages, avec un souffle continu et impressionnant.

par Nicolas Bardot

En savoir plus

Quelques liens :

Partenaires