Gozu

Gozu
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Gozu
Gozu, Miike Takashi Yakuza Horror Theater
Japon, 2003
De Takashi Miike
Scénario : Paul Laverty
Avec : Sho Aikawa, Kanpei Hazama, Shohei Hino, Hideki Sone, Tetsuro Tanba
Durée : 2h07
Sortie : 14/07/2004
Note FilmDeCulte : ****--

Minami est chargé par son yakuza de boss de se débarrasser d’Ozaki, son frère, devenu parano et dangereux. Pour ce faire, il est envoyé dans la cambrousse nipponne, à Nagoya. En chemin, Ozaki décède prématurément, puis son corps disparaît inexplicablement. Minami va donc devoir mener son enquête dans une étrange petite ville, aux habitants iconoclastes et à la curieuse atmosphère…

MIIKE MAOUSSE

Après la dégelée Dead or Alive, le cinéphile averti était parfaitement en droit de s’estimer en valoir deux. Du phénoménal stakhanoviste de la pellicule, virtuose de l’étrange, à qui l’on devait l’étonnant Audition et le coup de genou en pleine tronche Ichi The Killer, Takashi Miike était en passe de s’effondrer au simple rang de phénomène de foire pour presse en mal de sang neuf. La pilule était effectivement grosse: celui qu’on érigeait déjà au rang de génie de la déglingue était censé nous livrer une trilogie pantagruélique, barrée et craspec, en un mot, culte. Au point de voir sa renommée dépasser les frontières, la bienséance et… la vérité. Car, en matière de pétard mouillé, ridicule et cheap, on fut bien servi. Pourtant, un restant d’espoir tenait notre attention éveillée: le souvenir d’un Miike capable, quand il s’en donnait les moyens, d’aller plus loin que seulement compiler ses obsessions sans chercher à les mettre en forme (ce qu’il fit hélas dans le définitivement mal compris Visitor Q, en grande partie en raison d’une réalisation à la limite de l’amateurisme, à base d’image DV sans relief et de micros dans le champ). Un souvenir qui, avec Gozu, reprend de la consistance.

GOZU-GOZU SOUS LES BRAS

Gozu, donc, sous-titré à raison "Miike Takashi Yakuza Horror Theater". Où Miike l’auteur réaffirme ses obsessions, sans pour autant perdre de sa folie et de sa liberté. Soit un film de yakuza grignoté de l’intérieur par du fantastique absurde et décomplexé. Ça commence sur les chapeaux de roue, avec un yakuza parano, persuadé de l’existence de dispositifs secrets anti-yakuzas. Le voici, explosant un inoffensif petit chien contre une vitre, s’ingéniant à liquider la conductrice d’une voiture prétendument tueuse de yakuza… Pour finir par mourir stupidement et par son seul fait. Premier événement. Deuxième événement, son corps, sur lequel veillait son frère, disparaît, comme par enchantement… Ainsi va l’étrange barque de Gozu, par amoncellement progressif de bizarreries drolatiques, de loin en loin. Où l'on retrouve la bonne patte du Miike d’Audition et d’Ichi, attentif à son univers, ainsi qu’à une véritable cohérence et pas seulement esthétique. En effet, si l’on quitte le relatif réalisme d’origine, propre aux films de yakuzas, pour progresser doucement vers la folie, jamais Miike ne s’éloigne de sa trame au point de la perdre de vue.

VISITOR G

Même dans ses égarements les plus extrêmes (hommages aux mangas hentaï underground, type shotacon et yaoi incestueux – déjà éprouvés dans sa filmo précédente: lolicon et guro dans Visitor Q, dickgirls dans Fudoh… –, bondage ou délires vagino-freudiens de réincarnation), Miike garde intacte l’attention, en convoquant tantôt le rêve et tantôt le fantasme, tantôt le cauchemar et tantôt la potacherie assumée. Paradoxalement, c’est au brouillon et moche Visitor Q que le mature et maîtrisé Gozu fait le plus penser. Un peu comme si le premier était une ébauche pour le second. Les thématiques de filiation (davantage développées dans l’inégal Fudoh – The New Generation) s’y retrouvent, en plus élaborées et intrigantes, les perversions sexuelles itou, et l’humour noir y est autrement plus digeste. Plus digeste, c’est d’ailleurs le mot d’ordre général de ce film certes imparfait, mais dont l’étrange musique onirique tend à le couvrir de cette même étoffe dont on fait les songes… Good trip.

par Guillaume Massart

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