The Giant
Jätten
Suède, 2016
De Johannes Nyholm
Scénario : Johannes Nyholm
Durée : 1h26
Rikard est passionné de pétanque. Il s’entraîne même dans sa chambre! Il en rêve, il le dessine, c’est le centre de son univers. Un jour, il est injustement exclu du club par ses camarades de jeu. Rikard est petit mais pour y retourner, il fera des pas de géant.
UNE HISTOIRE DE FOU
Il y a des films qui font s'exclamer des "mais hein ?" de dépit, et ceux qui font pousser des "mais hein ?!" de stupéfaction béate. The Giant est de cette seconde catégorie. Inclassable et imprévisible, le film laisse pantois par son imagination et son mélange de tons. Rikard, le protagoniste du film, est handicapé physiquement et mentalement. Son visage est sévèrement déformé, ce qui lui donne une silhouette improbable qui détonne de façon quasi fantastique avec les autres acteurs du film. Sa passion, c'est la pétanque (les "mais hein" commencent). Bien intégré dans son équipe locale, il rêve de participer au tournoi inter-scandinave, et s'entraine dur. Rikard n'est jamais filmé comme un freak, mais il y a déjà quelque chose de radicalement fou qui opère à l'écran dès qu'il y apparait en trottinant et baragouinant joyeusement. Le fait qu'il soit difficile de lui donner un âge (15 ans? 40 ans?) ne rend pas les choses plus habituelles.
Ce handicap n'est pourtant pas le sujet principal du film, qui laisse une plus grande place à la pétanque. Le décalage culturel qu'il y a à voir ces Suédois s'engueuler pour des histoires de cochonnet rajoute une couche d'absurdité maboule. Pourtant là encore, le film ne se moque pas, et ne se contente pas d'un coup de coude en forme de blague. The Giant retombe toujours sur ses pattes... même si on ne devine jamais lesquelles à l'avance. Parfois tordant, souvent très triste, créant régulièrement un sentiment de malaise, le film ne mélange pas seulement les tons, mais aussi les registres. Il faut parfois se rappeler qu'on n'est pas devant un documentaire (paradoxalement, le film a l'air bien plus réaliste que d'autres), alors même qu'on est en pleine fable fantastique. Comme un dé lancé en l'air, difficile de prédire sur quelle face on va atterrir, de quoi sera faite la séquence suivante, et impossible de prédire le type d'émotion qu'elle va susciter.
Le plus fou dans tout ça ? C'est à quel point le film est accessible. The Giant n'est pas qu'un catalogue de bizarreries qui s’apprécierait au second degré. C'est une histoire finalement fort simple, et surtout très émouvante. Mais le chemin particulièrement tordu que le film emprunte pour faire naitre cette émotion, on a l'impression de l'emprunter pour la toute première fois. The Giant secoue, crispe, charme et émeut à la fois, sans y aller avec le dos de la cuillère, parfois à l'intérieur de la même scène. Il faut le voir pour le croire. Ah oui, et par dessus tout cela, il y a bien un géant. Mais hein ?