Genre humain: les parisiens (Le)
Le Genre humain, 1ère partie - Les Parisiens
France, 2004
De Claude Lelouch
Scénario : Claude Lelouch, Pierre Uytterhoeven
Avec : Arielle Dombasle, Maïwenn Le Besco, Michel Leeb, Claude Lelouch, Massimo Ranieri, Mathilde Seigner
Durée : 1h59
Sortie : 15/09/2004
Un Parisien chante dans la rue avec une Parisienne. Un aventurier demande en mariage une adoratrice de pizzas. Le directeur d’une boîte de nuit tombe amoureux de l’une de ses serveuses, elle-même amoureuse du Parisien chanteur. Le tout commenté par un Dieu qui intervient sous les traits d’un clochard.
PARISIENS TÊTES DE CHIENS
Il est devenu difficile, ces derniers temps, de démêler le bon du mauvais dans cet immense et ambitieux magma informe, mystico-sentimental, que représente aujourd’hui le cinéma de Claude Lelouch, personnalité à part dans le cinéma français, mais personnalité à coup sûr sincère et attachante. Deux échecs quasi meurtriers, principalement commerciaux à défaut de réellement artistiques (Hasards et coïncidences et And now… Ladies et gentlemen valent bien mieux que leur lourde réputation, taillée par une critique hargneuse), ont-ils atteint le cinéaste au point de l’affaiblir, au point de tarir l’inspiration qui a indéniablement été la sienne durant ces quarante dernières années, quoi que l’on puisse penser de la qualité, variable, de ses films? C’est avec une trilogie au titre lourd de sens et de prétention (Le Genre humain, expression reprise à Victor Hugo, cité en exergue), que Lelouch compte retrouver l’amour du public et pourquoi pas, rêvons un peu, celui de la critique. Trilogie qu’il faudra bien entendu sans doute appréhender dans son ensemble, comme un tout, sous peine de se sentir perdu au milieu de ces histoires qui n’en finissent plus de ne pas finir, de ces croisements entre personnages qui se rencontrent, refrain connu, par hasard et par coïncidences, avant de disparaître. Avec le temps, Lelouch devient de plus en plus lelouchien, tendant lui-même le bâton pour se faire battre, servant la soupe à ses – de plus en plus nombreux – détracteurs à grand renfort de "bonheur, c’est mieux que la vie". On l’avait deviné à travers certains de ses films les plus ambitieux ces dernières années (Hommes, femmes: mode d’emploi, Les Misérables…). Ce nouvel opus vient le confirmer.
PARISIENS, PARISIENNES: MODE D’EMPLOI
Lelouch a toujours eu un côté irritant. A tort ou à raison, c’est selon. Selon le film, et surtout selon le spectateur, systématiquement pris à partie par un cinéaste à la confiance innée et inouïe dans sa caméra. Lelouch irrite, donc, quand il se met en scène, créant par la même occasion une mise en abyme relativement hypocrite de son film (qui se tourne sous nos yeux, artifice déjà usé dans le moyen Une pour toutes). Il irrite quand il utilise quarante fois la même chanson au cours du film, conditionnant le spectateur à ne pas acheter le disque à la sortie de la salle. Il irrite quand il persiste à croire que le 21ème siècle à commencé le 1er janvier 2000. Mais il arrive aussi au cinéaste de tirer son épingle du jeu, par le biais notamment de ses acteurs, qu’il a toujours su diriger (ses détracteurs lui ont d’ailleurs toujours reconnu un grand talent en ce qui concerne la direction d’acteurs). Maïwenn LeBesco, Mathilde Seigner apparaissent comme bien moins fatiguantes que dans leurs autres films, notamment la seconde qui, pour la première fois ou presque, interprète un rôle fragile, à l’apparence légèrement fêlée, ébréchée. Michel Leeb tire à peu près son épingle du jeu, et Agnès Soral, Xavier Deluc, et Arielle Dombasle parviennent à susciter un intérêt suffisant pour introduire les deux épisodes suivants. Véritable révélation à la figure émaciée, Massimo Ranieri est le grand vainqueur de ce film, dans lequel il parvient à insuffler une véritable émotion à son personnage, Italien déraciné et fracturé par la vie, la – sa - femme, et par l’histoire qu’il vit et revit avec elle. Un beau personnage, qui permet au film d’exister et de se dérouler sans ennui, transitant à travers lui.
LE BONHEUR, C’EST COMME DU LELOUCH
Ce qui sauve - et a toujours sauvé - le cinéaste, reste son excessive sincérité, cette façon qu'il a de se mettre en avant systématiquement, au risque de se perdre totalement (et au vu des premiers résultats au box-office, il semblerait bien qu’il ne survive pas cette fois-ci). Une honnêteté, une personnalité à fleur de peau, dont le corollaire serait justement cette position de victime qu’il prend souvent (voir la reprise naïve et un rien maladroite de la critique que les Cahiers du cinéma avaient faite de son premier film à l’époque de sa sortie). Lelouch aime le cinéma, Lelouch aime les rapports hommes-femmes, et il ne se prive pas pour en parler, pour revenir dessus au risque de tordre une fois de trop le concept du mode d’emploi. Il sera intéressant de revenir sur le film une fois la trilogie terminée. En l’état, le film conserve d’indéniables qualités, qui sont celles de tout film du cinéaste: un casting improbable mais réussi, des répliques amusantes, une utilisation audacieuse de la musique, une naïveté – dans l’enchaînement des situations - à toute épreuve, qui peut parfois prêter à sourire, une mise en scène qui navigue entre grandiloquence et sobriété (quoique la caméra s’envole moins que dans les précédents métrages)… On l’aime pour ça, Lelouch. Parce que ses défauts et ses qualités lui sont propres, et qu’il les assume à chaque fois, malgré sa petite guéguerre avec la presse, qu’il maudit et qui le maudit depuis quarante ans. Parce que chaque nouveau film est un approfondissement de thèmes qui lui tiennent à cœur et auxquels il admet lui-même ne pouvoir renoncer. Un genre à lui tout seul, finalement.