Les Gardiens de la Galaxie

Les Gardiens de la Galaxie
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Gardiens de la Galaxie (Les)
Guardians of the Galaxy
États-Unis, 2014
De James Gunn
Scénario : James Gunn, Nicole Perlman
Avec : Chris Pratt
Durée : 2h01
Sortie : 13/08/2014
Note FilmDeCulte : *****-
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Peter Quill est un aventurier traqué par tous les chasseurs de primes pour avoir volé un mystérieux globe convoité par le puissant Ronan, dont les agissements menacent l’univers tout entier. Lorsqu’il découvre le véritable pouvoir de ce globe et la menace qui pèse sur la galaxie, il conclut une alliance fragile avec quatre aliens disparates : Rocket, un raton laveur fin tireur, Groot, un humanoïde semblable à un arbre, l’énigmatique et mortelle Gamora, et Drax le Destructeur, qui ne rêve que de vengeance. En les ralliant à sa cause, il les convainc de livrer un ultime combat aussi désespéré soit-il pour sauver ce qui peut encore l’être …

LE GARDIEN DE L'UNIVERS MARVEL

L'année 2014 pourrait s'avérer décisive pour Marvel. Les Gardiens de la Galaxie devrait assurer à la compagnie son deuxième carton de l'année après Captain America : Le Soldat de l'hiver mais les deux projets, aussi artistiquement réussis l'un que l'autre, témoignent toutefois d'approches relativement différentes. À la barre de la suite de Captain America, les frères Russo, un tandem de réalisateurs de comédie reconverti dans la sitcom qui change radicalement de style et pond un actioner d'espionnage efficace et engagé. Derrière la caméra des Gardiens de la Galaxie, un ancien scénariste (de L'Armée des morts à...Scooby Doo) élevé au sein de la firme Z Troma, chargé de lancer la première nouvelle franchise Marvel depuis 2011, un space opera avec un raton-laveur et un arbre qui parlent. Le choix des Russo était risqué mais le caractère thématiquement et esthétiquement anonyme de leur travail garantissait à Marvel un certain contrôle sur le film. Gunn, lui, est un choix autrement plus audacieux. Malheureusement, entre les deux films, il y eut la débâcle Ant-Man. Après six ans à développer une adaptation qu'il a lui-même initié, Edgar Wright quitte le projet suite à des "différends artistiques". L'auteur n'est pas le premier à s'embrouiller avec Kevin Feige, le producteur qui mène d'une main de maître la licence la plus en vogue du moment, mais son départ n'est pas pour rassurer. À l'instar de Joss Whedon et Shane Black, recrutés respectivement sur Avengers et Iron Man 3, James Gunn est un réalisateur à la carrière encore jeune qui vient de l'écriture et qui affectionne le second degré. Plus que les autres réalisateurs de l'écurie Marvel, ces cinéastes ont une voix. Mais la voix similaire d'Edgar Wright, metteur en scène plus expérimenté, s'est visiblement avéré trop forte pour Feige. La machine Marvel désormais lancée pour de bon, qu'est-ce qui empêche le producteur d'embaucher des faiseurs qui s'imposeront moins? Certainement pas le carton du film des frères Russo. Il ne reste plus qu'à espérer que le plébiscite du film de James Gunn soit tel que Feige estimera le pari tout aussi payant si ce n'est plus, l'encourageant à sélectionner des auteurs qui ne se définissent pas par leur malléabilité. Parce que s'il est évidemment plus accessible que Slither et Super, Les Gardiens de la Galaxie n'en demeure pas moins marqué du sceau de son scénariste-réalisateur et c'est cette identité qui transcende et incarne le film.

AUJOURD'HUI, DANS UNE GALAXIE PAS TRÈS, TRÈS LOIN

Les défauts du film sont assez typiques des premiers épisodes Marvel. La caractérisation des protagonistes prend le devant de la scène et tout le temps qu'il faut, permettant au film de cerner ses héros à la perfection mais ce, quelque peu au détriment des antagonistes, complètement sous-exploités, et de l'intrigue, très classique. L'action paraît également assez secondaire mais demeure tout à fait fonctionnelle, dans le bon sens du terme. On ne retrouve pas l'inventivité spectaculaire d'Iron Man 3 et Captain America : Le Soldat de l'hiver mais on est loin de l'anémie de Thor ou du premier Captain America. En même temps, on n'est pas vraiment dans un space opera classique. Les films Marvel ont toujours été blindés d'humour mais ici la comédie est clairement le genre dominant. En fait, Les Gardiens de la Galaxie apparaît comme une relecture post-moderne de Star Wars. Le personnage central, au travers de ses origines, symbolise à lui seul cette démarche. Enfant terrien capturé en 1988 et propulsé dans l'arène intergalactique, il incarne le regard de Gunn sur le genre et ses codes. Le cinéaste revisite les archétypes de la célèbre saga de façon complètement assumée - une scène avec les bad guys tient même carrément du remake.

Ici, Skywalker se dit Star-Lord sauf qu'il ne s'agit pas d'un patronyme prédestinant le jeune fermier qui le porte à un illustre avenir mais du pseudonyme d'un grand gamin qui se rêve aventurier de l'orbe perdue. Le charismatique mercenaire n'a pas les traits d'Harrison Ford mais ceux d'un raton-laveur. Même la langue inintelligible de Chewbacca que tout le monde comprend est pastichée par les invariables "I am Groot" de son alter ego Marvel. Seule Gamora, animée par la cause autour de laquelle les autres "gardiens" s'unissent, garde la noblesse de son modèle, Leia. L'oeuvre joue sans cesse du contraste entre l'image et sa réinterprétation par Gunn. Nul ne le représente mieux que le personnage de Drax, sorte de Conan le barbare spatial qui s'exprime dans un langage soutenu et prend tout de façon littérale. Avec sa performance pince-sans-rire, Dave Bautista fait preuve d'un vrai talent comique et confirme tout le bien que l'on pensait de lui après Riddick. Au même titre, le Walkman de Star-Lord, qui abrite une compilation de titres '70s et '80s rythmant le film davantage que sa BO "de space opera", intervient comme une intrusion du réel dans la fantaisie. Tout au long du film, des extra-terrestres tout droit sorti de la Cantina revêtent le casque avec ses écouteurs en mousse orange, créant ainsi un clash visuel, pas un anachronisme mais comme une anomalie dans le genre, qui résume en une image toute la démarche de Gunn. La même que dans Slither, à savoir un point de vue décalé sur des stéréotypes éculés, du McGuffin au Hero's Journey, mais qui ne perd jamais de vue le respect du genre derrière le second degré.

THE WAY OF THE GUNN

Le film a beau s'amuser, il n'oublie pas d'être incarné. Quand Gunn choisit d'arrêter de rigoler, il parvient à être touchant (cf. l'ouverture, le sauvetage de Gamora ou Groot qui, en un geste, incarne la thématique du film) ou badass, comme en témoigne l'issue du climax, le cinéaste assurant complètement à la mise en scène, atteignant une qualité iconique voire poétique par moments. Formellement, on n'est pas dans un film de scénariste. Les Gardiens de la Galaxie est encore un splendide exemple de world building à la direction artistique exemplaire, qui arrive à surprendre avec le design d'un vaisseau (le Dark Aster) ou même d'une planète (Knowhere)! Si aucune des scènes d'action ne s'inscrira parmi les plus mémorables de l'année, l'univers du film est sans doute un des plus séduisants vu au cinéma en 2014. Une galaxie pop aux couleurs aussi vibrantes que celle du Milano, le vaisseau de Star-Lord. Les Gardiens de la galaxie aurait sûrement gagné à raconter plus de choses - le parcours de Star-Lord aurait pu être plus développé, l'arc "famille" général est un peu simple - et à mieux traiter ses méchants (Ronan et Nebula sont trop archétypaux, Thanos et le personnage de Benicio del Toro ont chacun 5 minutes en tout) mais le film, plein d'idées (l'évasion, LA scène de Groot), est une réjouissance deux heures durant, sans doute le blockbuster le plus fun de l'été, et surtout, il témoigne d'une véritable identité, de celles qui assurent la pérennité d'une oeuvre. Alors quelle leçon Kevin Feige tirera-t-il de cette année? À l'avenir, à réussites égales, favorisera-t-il la signature d'un cinéaste à un produit impersonnel?

par Robert Hospyan

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