Gabrielle

Gabrielle
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Gabrielle
France, 2005
De Patrice Chéreau
Scénario : Patrice Chéreau, Anne Louise Trividic
Avec : Pascal Greggory, Thierry Hancisse, Isabelle Huppert, Raina Kabaivanska
Durée : 1h30
Sortie : 28/09/2005
Note FilmDeCulte : *****-

Début du XXe siècle, un couple bourgeois, marié depuis dix ans, se fissure. En effet, Jean Hervey découvre que son épouse, Gabrielle, ne l’a jamais aimé.

UN AMOUR DE JEAN

Les dialogues coulent comme un élégant venin et les mots assassins des lettres de rupture envahissent tout l’écran, quelques caractères qui vampirisent l’image comme ils se prennent à hanter le cœur détruit de Jean, héros déchu de la fin d’un amour. D’un triste amour, non partagé, désaxé depuis toujours, avançant masqué. Patrice Chéreau adapte ici une nouvelle en huis clos signé de l’Anglais Joseph Conrad, et se plonge avec délectation dans quelques racines littéraires. Sa Gabrielle sonne ainsi comme un Amour de Swann où, dans le décor forcément léché et rigoureux de la bourgeoisie du début du XXe siècle, la jalousie peut rendre littéralement fou, jusqu’à s’en rendre malade, piqué par une flèche maligne qui pousse à la fuite en pleine nuit sans jamais revenir sur ses pas. Gabrielle est intense, court (1h30), et étouffe son affrontement entre deux géants (Isabelle Huppert, Pascal Greggory, impériaux) comme on serrerait les deux mains autour d’un cou jusqu’à ce que ses os craquent un à un.

LA SEPARATION

Un amour fou et écorché, contre un détachement las, une fatigue et une rebuffade, là où Gabrielle tente de se souvenir de ces instants où elle s’est sentie heureuse. Une pierre précieuse dont on reconnaît l’éclat car on l’a croisée du regard ou touchée du doigt une fois, auparavant. Et la jeune femme de rechercher une ivresse charnelle ailleurs, qu’elle a oubliée après ces longs jours, ces longues soirées d’apparat, des cérémonies guindées en forme de jeu de dupes. La rupture étalée en place publique, les deux acteurs s’offrent en spectacle, convoquant quelques domestiques pour un échange de glace, renvoyant les convives à leurs pénates. Des cérémonies qui laissent place à une autre: un corps nu posé sur les draps blancs, offert à nouveau, créant une tension sexuelle qui coupe comme la lame d’un couteau, ou une réplique lancée comme un jet de sang (le long métrage jouit d’une écriture splendide, de son premier à son dernier souffle). D’une solitude en noir et blanc jusqu’aux couleurs salies du quotidien dans le vide des salons mondains, Chéreau signe une œuvre fiévreuse, imprégnée d’un bouleversant poison amoureux.

par Nicolas Bardot

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