Frontière(s)
France, 2007
De Xavier Gens
Scénario : Xavier Gens
Avec : Samuel Le Bihan, Estelle Lefebure, David Saracino, Karina Testa, Aurélien Wiik
Photo : Laurent Bares
Musique : Jean-Pierre Taïeb
Durée : 1h48
Sortie : 23/01/2008
Alors que l'extrême-droite est sur le point d'arriver au pouvoir, de jeunes banlieusards commettent un braquage. Poursuivis par des flics hargneux, les membres de la bande dépassent la "frontière" de leur propre violence. Ils s'enfuient en voiture et débarquent dans une auberge perdue en pleine forêt, à la limite de la "frontière" luxembourgeoise. Les tenanciers de cet étrange établissement, accueillants dans un premier temps, vont peu à peu montrer leurs vrais visages: celui de la folie et de la mort! Crochets de boucher purificateurs, porcs agressifs, coups de flingue mal placés, armes blanches aiguisées à l'extrême, cannibalisme déjanté, néo-nazi sur le retour: les potes vont devoir affronter la douleur absolue et dépasser la "frontière" de l'horreur la plus extrême. Tout ça dans un seul et unique but: survivre. Ou mourir vite!
Y'EN A UN PEU PLUS, JE VOUS LE LAISSE?
« Ce film accumule des scènes de boucheries particulièrement réalistes et éprouvantes ». C’est avant tout sur cet avertissement de la commission de classification que Frontière(s), via sa campagne d’affichage gracieuse, va enfin (enfin, car le film de Gens a été réalisé avant son Hitman) pouvoir se livrer à l’opinion publique après que des copies de travail aient circulé sur le net et agrémenté un certain buzz. Évidemment, pour les fans du genre, le film est attendu au tournant, mais risque de décevoir assez vite. Car en fait de cinéma gore, il faut surtout s’attendre à un film plutôt basé sur l’extrême violence (malgré de belles mises à mort soigneusement ensanglantées). En effet, si Gens livre ses petites frappes de banlieue (heureusement moins pénibles que celles de Sheitan) en pâture à une belle bande de bouseux néo-nazis cannibales (oh le joli pitch de série Z !), c’est tout autant pour suivre un sous-texte politique très balourd et pas forcément bien négocié sur le papier, que pour nous balancer de la tripaille en pleine figure. Du coup, le réalisateur fait passer la pilule en mélangeant les deux tenants de son histoire et aboutit seulement à une accumulation de scènes « obligatoires » qui n’atteignent malheureusement pas leur cible, la faute à un contexte pas du tout crédible (le père qui parle en allemand et qui se traduit dans la foulée a bien du mal à être effrayant). Pourtant certains personnages ont tout pour ravir, comme la jeune héroïne bien concernée par son rôle, un Samuel Le Bihan qui passe son temps à gueuler comme un beau goret, ou une inattendue Estelle Lefebure en pute carnassière la rage au bide. Même certaines séquences choc arrivent à faire frémir, à l’image du massacre final fait d’une scie et d’une bonne dose de plomb où une poupée de sang (le rouge étant la seule couleur qui n’a pas de race) reprend les rênes de son destin dans un assez joli carnage.
LARD OU COCHON
Du coup, avec ses scènes bien marquantes et ses personnages accrocheurs face à un background too much à la limite du hors propos (on ne dira jamais assez combien tout ce prétexte politique affaiblit considérablement l'histoire, d'autant qu'il ne trouve aucune justification dans le script), le film n’a pas les reins assez solides pour tenir la route sur sa simple intention. De plus, si l'image, plutôt dégueulasse, « passe » lors des séquences clés, elle lasse tout de même très vite par son grain trop prononcé et pas toujours maîtrisé. Certains effets stylistiques chargés, des citations un peu trop prononcées (comme Massacre à la tronçonneuse, The Descent, Haute Tension, Les Chiens de paille - défaut trop souvent inhérent aux premières œuvres), certains points non développés (quid des enfants monstrueux?) et un épilogue complètement "interdit", ne laissent pas grand-chose à se mettre sous la dent. Et, paradoxalement, au milieu de tout ce foutoir, on décèle une véritable envie de cinéma de genre 100 % pur porc, un cinéma fait avec les couilles, la sueur et les tripes, un cinéma frondeur fait d’une volonté hors normes d’aller au bout de ses ambitions dans un genre systématiquement fustigé par les bien-pensant hexagonaux. En cela, il faut tout de même soutenir le film et faire fi de certains des problèmes énoncés plus haut. Même si certaines premières œuvres de genre resteront plus dans les mémoires comme Ils (Xavier Palud et David Moreau, 2006), Maléfique (Eric Valette, 2003), St Ange (Pascal Laugier, 2004) ou encore A l’intérieur (Julien Maury et Alexandre Bustillo, 2007), gageons que le cinéma de Gens en est encore à ses balbutiements et que l’avenir lui permettra de se perfectionner pour notre (et son) plus grand plaisir.