Fresh Air
Friss levego
Hongrie, 2006
De Agnes Kocsis
Scénario : Agnes Kocsis, Andrea Roberti
Avec : Izabella Hegyi, Zoltán Kiss, Júlia Nyako, Belá Stubnya, Henriette Ámon
Durée : 1h49
Sortie : 01/01/2006
Viola est une belle femme d’une quarantaine d’années. Elle est dame pipi dans une station de métro. Elle partage son appartement avec sa fille Angela, qui suit des cours de couture dans un établissement professionnel. Viola voudrait bien refaire sa vie et participe régulièrement à des soirées organisées par des clubs de rencontres. Angéla voudrait devenir styliste. Angela a honte de sa mère et les deux ne s’adressent quasi plus la parole. Les seuls moment où elles sont sur la même longueur d’ondes sont les diffusions de leur feuilleton préféré, qu’elles suivent assidûment, chacune de leur côté du canapé.
FORCE TRANQUILLE
Le film d’Agnes Kocsis impressionne par sa sobriété. Ici rien de sensationnel, juste l’histoire d’un quotidien désenchanté. Celui de cette mère, qui travaille où personne n’a envie de le faire, et qui est toute dévouée à sa tâche. Peut-être aussi d’ailleurs car elle lui laisse le temps de rêver, de valser le temps d’une chanson avec sa radio collée à l’oreille avant de se voir ramenée à la réalité. Cette réalité que lui rappelle sa fille tous les soirs quand elle rentre à la maison. En effet, celle-ci se précipite pour ouvrir toutes les fenêtres de l’appartement afin de renouveler l’air et ainsi chasser les soi-disant odeurs ramenées par sa mère. Alors Viola frotte longuement sa peau dans la baignoire, encore et encore elle passe la brosse. Et comme si cela ne suffisait pas, c’est la moitié de la bombe de déodorant qu’elle vaporise sous chaque bras. Tout comme elle désodorise à n’en plus finir au travail. Tous les soirs, le scénario est identique et les paroles quasi inexistantes. Les deux se laissent des mots pour communiquer. Elles ne mangent pas ensemble, ne vivent pas ensemble, partagent juste le même appartement. Elles ont pourtant ce même désir de changement, d’air frais, mais pas au même niveau. Viola voudrait trouver un homme, elle voudrait de nouveau tomber amoureuse. Angela a dans la tête de devenir styliste et s’imagine déjà à Rome en train de dessiner des robes toutes plus belles les unes que les autres. Et pourquoi pas de rencontrer Michele Placido, le héros de cette série télé dont elle ne manquerait un épisode pour presque rien au monde, et ce malgré la présence de sa mère à ses côtés.
THE COLORS OF LIFE
Cette histoire simple, Agnes Kocsis l’a également filmée de manière dépouillée, multipliant les longs plans fixes qui défilent les uns après les autres comme autant de diapositives disséquant ce quotidien. Le plus impressionnant étant l’esthétique extrêmement poussée du film. En effet, Viola respire par et pour la couleur rouge. Elle est rousse, tous ses vêtements sont rouges, ses instruments et serviettes de toilette, ses couverts, sa blouse de travail, les fleurs sur sa table, sa radio, la couleur est multiprésente où qu’elle se trouve. Les exceptions étant son manteau de teinte bordeaux, comme le tissu des rideaux du salon - qui est aussi sa chambre -, le même tissu recouvrant le mur à son travail. Angela est elle pleine d’espoir et le vert, teinté de bleu, est sa couleur. Des rideaux de sa chambre à ses vêtements, sa blouse à l’école, ses modèles, son porte-dessins, elle voit la vie en vert. Une plante grimpante partage le mur avec une pendule rouge dans la cuisine, pièce partagée par les deux femmes, tout comme le salon où les deux couleurs sont aussi représentées. Marina, la meilleur amie d’Angela, est elle toujours habillée en rose. Un vrai festival de couleurs habille ce quotidien morose. Les paroles sont rares et donc réduites à l’essentiel et la bande-son composée de chansons kitch, notamment une qui revient plusieurs fois dans le film. L’émotion est sous-jacente, la relation entre les deux femmes change mais de manière graduelle, doucement les choses se mettent à leur place, sans forcer, naturellement. Fresh Air est un film qui mérite d’être vu plusieurs fois car bien qu’il se dévoile peu à peu et malgré une apparente simplicité, il laisse découvrir de nouveaux aspects au cours d’une deuxième vision, si bien que celle-ci en devient plus intéressante que la première.