Freddy contre Jason
Freddy Vs. Jason
États-Unis, 2003
De Ronny Yu
Scénario : Damian Shannon, Mark Swift
Avec : Robert Englund, Katherine Isabelle, Ken Kirzinger, Jason Ritter, Kelly Rowland, Robert Shaye
Durée : 1h36
Sortie : 29/10/2003
Jeté dans l’oubli par les habitants d’Elm Street, Freddy Krueger perd peu à peu de sa force, qu’il tire principalement des peurs et cauchemars des adolescents. Sa dernière chance: prendre le contrôle de Jason Voorhees et l’obliger à tuer des enfants afin de raviver le souvenir du tueur de la rue Elm.
FASHION VICTIMS
Horreur, Freddy Vs Jason est une déception sans doute à la mesure de l’espérance générée par ce cross-over que les fans des deux séries attendent avec autant d’impatience que d’inquiétude depuis plus de quinze ans. Depuis le triomphe de Freddy 3 plus exactement, à la suite duquel un croisement des deux personnages dans un épisode parallèle aux deux séries fut évoqué. Projet immédiatement annulé et dont Robert Shaye, patron de la New Line, parlait en ces termes à l’époque: "Durant une courte période, nous avons accordé un certain intérêt à cette idée. Mais nous avons finalement pensé que cela ressemblait trop à une farce et que nous tromperions le public. Nous estimons également que Freddy reste un personnage bien plus intéressant que Jason (...)". Pourquoi ce revirement? La raison est simple: la New Line, possédant les droits de Freddy et ayant acheté voici dix ans ceux de la série Vendredi 13, se retrouve aujourd’hui avec deux séries démodées dont les derniers épisodes ont été légèrement déficitaires - même si, sur le marché de la vidéo, tout le monde s’y retrouve. La première - et sans doute la seule - force de ce Freddy Vs Jason provient sans doute de ce constat: que faire de deux personnages envoyés outre tombe, oubliés dans une époque où ils semblent légèrement anachroniques? Et si cet oubli progressif dans lequel tombent les deux séries avait une influence sur les personnages eux-mêmes?
ET CHUIS COMME UNE BOULE DE FLIPPER
Si le concept de départ, laissant entrevoir une belle mise en abyme (Freddy luttant contre l'oubli), pouvait intéresser, le scénario se révèle d'une certaine platitude ne dépassant jamais l'état de concept, justement. Durant la majeure partie du film, l’histoire se résume en effet à une succession de meurtres, tantôt perpétués par Jason, tantôt par Freddy, généralement mises en images avec le minimum syndical d’imagination. Freddy Vs Jason, ce n'est donc que... Freddy contre Jason, soient des scènes présentant Freddy avec moins d'inventivité que dans la série initiée par Craven, qui alternent avec d'autres mettant en scène Jason de façon assez mollassonne et flemmarde. Durant une heure, le film n'est que ça, une sorte de compilation de moments sympathiquement gores, jamais angoissants, peu originaux (les meurtres de Freddy notamment se révèlent incroyablement moins inventifs que dans les précédents épisodes), parfois bien photographiés (la scène magnifique du Jason en flammes attaquant des jeunes au milieu d’un champ de maïs). Heureusement, arrive le moment qui voit l’affrontement du duo infernal, dans laquelle le cinéaste se lâche dans la pleine démesure, transformant notamment Jason en boule de flipper balancée par Freddy dans une scène anthologique.
PRENDRE UN JASON PAR LA MAIN
S’il y a néanmoins un point, sans doute involontaire de la part des producteurs, sur lequel le film se révèle étonnant, c'est celui qui tourne autour du combat intrinsèque entre les deux franchises que propose le film. Surprise, dans cet épisode, le mythe de Jason (qui n'est finalement qu'une victime dans les précédents épisodes, déjà, une victime qui depuis deux épisodes fait tout pour s'imposer dans le cinéma actuel) accouche d'un personnage plus humain et plus touchant que le croquemitaine brûlé. Une scène notamment, durant laquelle l’héroïne aperçoit ce qu’a pu être le calvaire de l’enfant, se révèle assez impressionnante, voire même émouvante. Au contraire, Freddy, dont le mythe a déjà été entièrement balisé par les précédents épisodes et la série télé (les révélation autour de sa conception), perd de sa substance. Celui-ci, enchaînant les blagues médiocres et les "bitch," se voit dépossédé du mystère qu'il avait encore dans les trois premiers épisodes, ne fait jamais peur, et accède plus que jamais au statut peu enviable de pantin - qu’il devient d’ailleurs à la fin. C’est dommage pour ce personnage formidable imaginé par Wes Craven, et l’on en vient à préférer ce gros balourd de Jason (bien que la stature de Kane Hodder - interprète du rôle dans les précédents épisodes - vienne à manquer). Ce n’est pas le moindre paradoxe de ce film bancal, fonctionnel, mais parfois attachant.