Francofonia, le Louvre sous l’Occupation
Russie, Fédération de, 2015
De Aleksandr Sokurov
Scénario : Aleksandr Sokurov
Durée : 1h28
Sortie : 11/11/2015
1940. Paris, ville occupée. Et si, dans le flot des bombardements, la guerre emportait La Vénus de Milo, La Joconde, Le Radeau de La Méduse ? Que deviendrait Paris sans son Louvre ? Deux hommes que tout semble opposer – Jacques Jaujard, directeur du Louvre, et le Comte Franz Wolff-Metternich, nommé à la tête de la commission allemande pour la protection des œuvres d’art en France – s’allient pour préserver les trésors du Musée. Au fil du récit de cette histoire méconnue et d’une méditation humaniste sur l’art, le pouvoir et la civilisation, Alexandre Sokourov nous livre son portrait du Louvre.
LA NUIT AU MUSÉE
Un film peut-il être comme un musée ? A l'image du plus monumental des musées français où il prend place, le nouveau film d'Alexandr Sokurov mélange les images et les époques, les œuvres et l'Histoire : archives, reconstitutions, allégories visuelles, webcam en direct d'un no man's land marin, images télévisées d'époque, drones survolant la capitale... Ce n'est pas peu dire que Francofonia prouve à nouveau l'audace et le génie visuel de son réalisateur. Lors de certaines séquences proprement saisissantes, le temps que la caméra panote, ce sont des siècles entiers qui se succèdent et se superposent à l'image. Certains effets visuels donnent le vertige, comme ces étranges dilatations et changements de couleurs, qui rappellent Guy Maddin ou Peter Greenaway.
Il y a un parallèle intéressant à faire avec l'un des précédents films de Sokurov, L'Arche russe, entièrement tourné au Musée de l'Ermitage. La genèse de Francofonia fut d'ailleurs suffisamment longue et mystérieuse pour que naisse la rumeur que le film serait lui aussi tourné en un seul plan-séquence. Pourtant le film n'est pas une variation sur L'Arche russe, ce serait même plutôt son reflet inversé. Après avoir réussi le tour de force de faire rentrer toute l'histoire russe dans les murs du musée, Sokurov se disperse, se perd un peu dans le kitsch de certaines reconstitutions (Marianne et Napoléon déambulant de nuit dans les salles des peintures), paraît même s'ennuyer ferme à l'écran, filmé en plein doute dans son bureau. Dans ces vraies/fausses séquences documentaires, le réalisateur russe confie ses doutes à un ami par téléphone. Un doute contagieux, tant l'ensemble donne avant tout l'impression de partir dans tous les sens. Passé la fascination visuelle, Sokurov nous sème pour de bons dans les poussiéreux couloirs du musée, et pour la première fois, déçoit.