Fragments sur la grâce
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France, 2006
De Vincent Dieutre
Scénario : Vincent Dieutre, Laurent Roth
Avec : Mathieu Amalric, Eugène Green, Francoise Lebrun, Cyrille Pernet, Mireille Perrier, Eva Truffaut
Durée : 1h41
Sortie : 06/12/2006
Vincent Dieutre tente de se plonger, lui et son équipe, dans l'univers incandescent de Port-Royal et du Jansénisme, esquissant par fragments le Grand Siècle de Pascal, de Racine et des "Amis de la Vérité". Paysages arpentés, lectures précieuses, entretiens et notes de travail s'entrecroisent, mais la quête historique tourne peu à peu au vertige. AVEC DE VRAIS MORCEAUX DE DOCUMENTAIRE
Il reste moins d'un mois, mais ça n'y changera rien. On peut déjà l'affirmer: 2006 fut un petit cru pour le documentaire. Pas en quantité, au contraire, les docs vont et viennent sur leurs combinaisons de salles minuscules, transfuges télévisuels égarés dans la jungle cinématographique, gros calibres de bonne conscience ou lénifiant cinéma citoyen. Souffrance du cinéphile: ces reportages égarés en terre documentaire, dont l'ambition se limite au synopsis, défilent sur les écrans, confortant la bonne culpabilité générale, nourrissant les débats après séance, sourcil concerné; mais rien ne se créé, rien ne circule, qui sente vraiment le cinéma. On s'épuise à le répéter, mais, à part l'excellent Oliva, Oliva de Peter Hoffmann, exception brillantissime, le documentaire de création n'a rien engendré de fulgurant cette année. La sortie ce jour du nouvel opus de Vincent Dieutre, a au moins pour elle d'ajouter une brique à un mur faiblard. Il fait suite aux sorties récentes, concentrées sur une courte période, d'une poignée d'essais plus ou moins concluants. Deux films d'auteurs reconnus, d'abord, signés Gitaï (News from house/News from home, dans le prolongement d'un travail entamé il y a 25 ans) et Ackerman (Là-bas, film fainéant et vecteur d'ennui tenace), qui n'inventèrent rien.
Et puis un beau petit film maladroit, sorti en catimini, El Perro Negro: Histoires de la guerre civile espagnole. Avec ce dernier, Fragments sur la grâce partage le plaisir simple de la trituration des matières filmiques, s'amusant à monter, à déformer, à superposer, à égarer. Les démarches différent toutefois en ce que Peter Forgacs donnait dans le found footage, montage d'archives, collages et collisions, là où Dieutre s'échine à reconstituer. La fragilité d'El Perro Negro, son artisanat sincère, était pour beaucoup dans son charme hypnotique. Il s'agissait de faire confiance à la seule coupe, à la seule force d'évocation des documents amateurs et d'une voix-off pas toujours passionnante. Fragments sur la grâce, lui, feint la liberté, quand pourtant il est sans cesse verrouillé. Comme à son habitude auto-centré et auto-satisfait, Dieutre se regarde filmer, s'écoute parler, n'interviewe que pour entendre des choses qu'il sait déjà et, même, anticipe. Verrouillé aussi, le choeur d'acteurs, pivot forcé du montage, et ses afféteries de prononciation surveillées de près... L'autorité Dieutre veille, surveille, serre la vis. Et finit par étouffer de lui-même certaines intuitions bienvenues, sous le poids des artifices arrogants et de la prétention de sa mise en scène.
