Fragments d'Antonin (Les)

Fragments d'Antonin (Les)
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Fragments d'Antonin (Les)
France, 2005
De Gabriel Le Bomin
Scénario : Gabriel Le Bomin
Avec : Niels Arestrup, Gregori Derangère, Anouk Grinberg, Aurélien Recoing
Durée : 1h30
Sortie : 08/11/2006
Note FilmDeCulte : ***---

Cinq prénoms inlassablement répétés. Cinq gestes obsessionnels. Cinq moments de guerre. Antonin est revenu des combats sans blessure apparente. La sienne est intime, intérieure, enfouie. Nous sommes en 1919 et le professeur Labrousse, pionnier dans le traitement des chocs traumatiques de guerre se passionne pour son cas. Sa méthode, nouvelle et controversée, doit lui faire revivre les moments les plus intenses de sa guerre afin de l'en libérer.

MÉCANIQUE DE LA FRAGMENTATION

Saluer avant tout l'ambition de Gabriel Le Bomin, que de s'atteler à un film de guerre en guise de premier long métrage. Sur la base d'un budget modeste, Le Bomin parvient en effet à tirer le maximum de ses décors et de ses costumes pour restituer, par des astuces de mise en scène (de cadre, notamment) et par la force d'une photo lumineuse et contrastée (signée Pierre Cottereau, pareillement remarqué avec Brodeuses), l'ampleur meurtrière de la première guerre mondiale. Autre audace, narrative cette fois, que d'oser assumer, au moins dans un premier temps, la fragmentation annoncée par le titre. Les Fragments d'Antonin se refuse en effet aux sacro-saints trois actes, à la fresque historique d'inspiration hollywoodienne, à la petite histoire résumant la grande, pour tenter de se frayer un chemin singulier. L'ouverture, archives documentaires en noir & blanc tremblé, mêlées à des reconstitutions fictionnelles, annonce la rigueur historique d'un film se voulant témoin.

Si l'on songe alors à C'était la guerre des tranchées, terrifiante bande dessinée en noir et gris signée Tardi, morcelée en divers éclats humains (une séquence exemplaire, portée par un Niels Arestrup massif et crédible en médecin étouffant ses états d'âme, de tri des blessés avant les soins, en rappelle l'horreur), c'est souvent, hélas, pour déplorer que les intentions de Le Bomin (révéler l'autre versant, psychologique cette fois, des Joueurs de skat d'Otto Dix) fassent progressivement virer le film au scolaire. Partagé entre son envie d'éclatement et son obligation de s'attacher à un héros en manque d'incarnation (Grégory Bérangère a le ton juste, mais reste trop lisse), sa dimension humaine et l'emphase de ses dialogues (d'autant plus plombés par l'affectation naturelle d'un Aurélien Recoing raide comme un piquet) ou le symbolisme théorique de certaines images, Les Fragments d'Antonin se révèle en effet, sur la longueur, trop systématique pour s'élever au-dessus de la simple démonstration. Les constants allers-retours temporels, tel geste dans le présent faisant référence à telle action du passé, dévoilent jusqu'à la nudité une mécanique narrative trop sagement huilée. Et la fragmentation de virer, en bout de course, à la dissertation.

par Guillaume Massart

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